Malgré la large gamme de services, les promesses d’autonomie, les engagements de qualité et de garanties proposées par le prestataire chinois Huawei à l’Etat du Sénégal, le fonctionnement de l’intranet gouvernemental a été perturbé durant la journée d’action menée par les travailleurs de la Sonatel. Cette journée du 5 Août dernier a été marquée par de très sérieuses perturbations sur les systèmes de communication nationaux et par le limogeage de Mohamed Tidiane Seck, directeur de l’Adie (Agence de l’informatique de l’Etat). Face à cette situation, il est légitime de poser un certain nombre de questions. Qu’est-ce qui explique que l’arrêt de travail décrété par les travailleurs de la Sonatel ait pu avoir une incidence aussi grave sur l’intranet gouvernemental au point de provoquer une paralysie presque totale des systèmes de communication ? L’intranet gouvernemental peut-il être totalement autonome vis-à-vis des opérateurs locaux notamment la Sonatel ? Est-il pertinent pour l’Etat du Sénégal d’envisager la mise en place d’un système de communication totalement autonome, sachant qu’il est copropriétaire dans l’actionnariat de la Sonatel ?
Wade abusé ?
Le Président de la République très fier de sa « trouvaille », l’Intranet gouvernemental qu’il montre partout comme étant une de ses réalisations phares a-t-il été encore une fois, « mal informé » ? Tout porte à le croire. C’est en plein conseil des ministres, que Wade a piqué une colère noire quand il a su que le projet d’Intranet gouvernemental n’était pas autonome par rapport à la Sonatel. « Je pensais qu’on pouvait travailler parce que notre Internet ne dépend pas de la Sonatel », a-t-il lancé à ses collaborateurs. Le chef de l’Etat limoge sur le coup Mohamed Tidiane Seck qui, depuis trois ans, ne cesse de lui vendre cette idée. Quand l’Adie a vu le jour, c’est Mohamed Tidiane Seck qui a été nommé directeur, supervisé par le fils du président Karim Wade et Thierno Ousmane Sy, conseiller en Tic du président. Professeur d’informatique et de réseaux à l’Ecole Supérieure Polytechnique (Esp), Mohamed Tidiane Seck est jugé « compétent et rigoureux » par ses pairs. Il a été l’un des précurseurs de l’internet au Sénégal et son frère Abdoulaye Seck, un génie en informatique, nous informe-t-on, a réussi à rendre autonome le siège de la Bceao en Côte d’Ivoire depuis le début de la crise qui secoue ce pays.
Qu’est-ce qui s’est donc passé ? M. Seck est-il le responsable ? « Non, Mohamed Tidiane Seck n’est que l’agneau du sacrifice, puisque toutes les personnes en charge du domaine informatique de l’Etat, à commencer par le conseiller en Tic du président, savaient pertinemment tout. Mais, elles n’ont jamais voulu dire la vérité au président. C’est malheureux », se désole cet ingénieur informaticien très au fait du dossier sur l’Intranet gouvernemental. Le désormais ex-directeur de l’Adie et ses collaborateurs sont accusés d’avoir fait croire que « l’Intranet gouvernemental était indépendant des réseaux des opérateurs, notamment la Sonatel ». En vérité, selon cet ingénieur, « si toutes les fonctionnalités attendues d’un intranet étaient opérationnelles, les communications intergouvernementales ne devaient aucunement s’interrompre ».
Mais, malheureusement, en cette journée du 5 Août 2010, tous les endroits sensibles et stratégiques initialement ciblés par le projet d’intranet gouvernemental tels que la présidence de la République, la primature, le building administratif, le camp Dial Diop, le ministère de l’Economie et des finances, le ministère de l’Intérieur, le camp Lat Dior, le ministère des Affaires Etrangères, étaient paralysés. Et coupés du reste du monde. Qu’est-ce qui s’est réellement passé pour que l’arrêt de travail décrété par les travailleurs de la Sonatel puisse avoir une incidence aussi grave ? El Hadji Malick Bâ, ingénieur informaticien et cadre à la Sonatel répond : « Contrairement à ce qui était prévu dans le cahier de charges du projet, le prestataire chinois a choisi, comme solution, de faire passer le projet par le network de la Sonatel. Ce qui fait que l’intranet gouvernemental, tel que conçu, n’est pas autonome. Il dépend entièrement de la Sonatel ». Voilà la réalité !
Les membres de l’Adie et le conseiller en Tic du président qui ont informé Wade d’un « projet de développement d’une fibre optique qui permettrait aux différentes institutions et les services de l’Etat, au niveau central comme dans les régions, de pouvoir fonctionner et, du coup, se passer de l’Internet de la Sonatel à travers l’Intranet gouvernemental », sont faux. Pourtant, ce projet, jugé chimérique par nombre de spécialistes en la matière, est chanté sur tous les toits par le chef de l’Etat visiblement fasciné par les explications de ses collaborateurs. Il a vanté, à toutes les occasions (particulièrement lors des rencontres internationales), les mérites de ces réalisations. Il était loin de s’imaginer qu’à l’heure actuelle, la Sonatel reste le passage obligé pour le fonctionnement de l’intranet gouvernemental du Sénégal !
La Sonatel incontournable
Le projet de l’intranet gouvernemental, estimé à 40 milliards de francs Cfa, est financé par la République populaire de Chine via un prêt lié (un prêt contracté par une agence gouvernementale qui exige que l’emprunteur dépense, dans le pays du prêteur, les ressources financières relatives à un projet…). C’est donc l’entreprise chinoise Huawei qui s’occupe de la fourniture des solutions de partenariats à long terme. Ce projet comporte des aspects destinés à « sécuriser le pays et à permettre à l’Etat d’avoir un réseau autonome ». Pourquoi l’autonomie n’a-t-elle pas été assurée ? « Parce que le réseau qui alimente l’Intranet gouvernemental est confiné au Sénégal et est contrôlé par la Sonatel. C’est la Sonatel qui a le monopole de l’accès à l’Internet qui alimente le pays à travers son câble sous marin en fibre optique SAT 3 », explique Olivier Sagna, secrétaire général de l’Osiris (Observatoire sur les Systèmes d’Information, les Réseaux et les Inforoutes au Sénégal). Monsieur Sagna, à l’instar de tous les spécialistes que nous avons interrogés sur la question, reste convaincu que l’Adie a mené très loin l’informatique gouvernementale. L’infrastructure a été très bien étudiée et déployée selon les moyens mis à sa disposition. Par contre, quand le texte du site de l’Agence parle de « connexion avec l’extérieur », il pèche par manque de professionnalisme, en ne précisant pas que cet « extérieur » n’est pas l’extérieur du Sénégal, mais de la boucle optique. « Il n’a jamais été question d’autonomie à l’extérieur du Sénégal », s’indigne Olivier Sagna. Un Intranet, explique Alex Corenthin, Président de l’Isoc (Internet Society Senegal), « est un réseau interne et doit forcément être relayé, dans le cas du Sénégal, par la Sonatel via une ligne spécialisée.
L’Etat n’a pas d’autre solution puisqu’il ne dispose pas de liaison SAT autonome. Et au-delà de la Sonatel, il y a un autre raccordement vers le backbone qui relie le Sénégal au reste du monde ». En langage moins codé, cela signifie que, tant que le gouvernement ne dispose pas de liaisons satellites autonomes, ses connexions peuvent, à tout moment, être perturbées par la Sonatel qui est sans concurrent et reste alors incontournable. Pis, les endroits stratégiques de l’Etat ne sont nullement à l’abri de l’espionnage. Pour cause, les Etats signataires du traité UKUSA (Etats-Unis, Royaume-Uni, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande), disposent d’un code appelé « Echelon » (nom de code désignant le système mondial d’interception des communications privées et publiques) pour pouvoir espionner toutes les communications partant des pays qui ne disposent pas de leur propre liaison satellite.
Pour se prémunir de tout celà, il y a un prix à payer. Si une autonomie totale est voulue par les autorités du Sénégal, il faudra détourner la connexion de la Sonatel en la basculant vers une autre connexion satellite ou d’autres câbles sous-marins. Des sources proches de l’Adie révèlent que le gouvernement attend des câbles sous-marins en construction qui doivent quitter l’Angleterre pour le Sénégal en passant par le Nigéria. « Ces câbles devraient alimenter tous les pays de l’Afrique de l’Ouest et seraient fonctionnels en 2011 », informe Olivier Sagna. Le hic ? Cette solution alimenterait des sociétés étrangères au détriment de la compagnie nationale (Sonatel) et le coût de connexion ne sera forcément pas des moins chers. Une liaison internationale sur un câble sous-marin, nous dit-on, coûte environ 35 millions de dollars par mois. Est-il judicieux pour l’Etat d’enrichir des prestataires étrangers au détriment de la Sonatel dans laquelle il détient des actions à hauteur de 27% ? Pourquoi l’Etat n’achèterait-il pas les parts flottantes de la Sonatel évaluées à 7 milliards ?
Où sont passés les 40 milliards ?
Dans le cahier de charges du projet de l’intranet gouvernemental du Sénégal, il figure que le réseau devait reposer sur une boucle en fibre optique pour permettre d’interconnecter les sites principaux suivants : Présidence de la République, Primature, Building, Camp Dial Diop, Ministère de l’Economie et des finances, Ministère de l’Intérieur, Camp Lat Dior, Ministère des Affaires Etrangères. A partir de ces nœuds principaux sur la boucle, des bretelles devraient être tirées vers des sites situés en dehors du périmètre primaire de la boucle optique. Et « le réseau devrait être complété par un réseau hertzien qui sera opérationnel sur toute la ville de Dakar jusqu’à Rufisque. Cela devrait non seulement permettre de disposer d’un réseau secondaire et redondant entre les nœuds sur la boucle optique, mais il allait permettre aussi d’interconnecter des sites en banlieue, notamment les sites des centres fiscaux de Pikine et de la Direction de la Prévision et de la Statistique ».
D’un coût global estimé à 50 millions de dollars soit environ 25 milliards de francs Cfa, puis relevé à 40 milliards de francs Cfa, le réseau de l’intranet gouvernemental, lancé en décembre 2007 et bouclé en mars 2009, est le fruit de la coopération entre la République Populaire de Chine et le Sénégal. L’objectif de ce projet était de connecter près de 12 mille appareils téléphoniques à travers le Sénégal. Le premier déploiement a été réalisé en 2004 dans quatre ministères, au sein de la présidence et de l’Adie (Agence de l’Informatique de l’Etat) qui est maître d’ouvrage du projet. L’objectif, à terme, était de couvrir l’ensemble des 35 institutions et ministères rattachés au gouvernement.
Aujourd’hui, cet objectif est loin d’être atteint. Pourtant, en 2009, lors du lancement de l’intranet administratif par l’Adie, Abdourahim Agne, le ministre des technologies de l’information et de la communication d’alors déclarait : « Le réseau de l’intranet gouvernemental permettra de partager les applications informatiques avec les différents services de tous les ministères jusqu’au niveau des capitales régionales, de généraliser le courrier électronique à tous les agents de l’Etat, de façon à accélérer les échanges en vue d’accroître l’efficacité du travail administratif et de réduire à terme les charges induites par les communications entre les agents de l’administration publique ». Le ministre avait cependant insisté sur l’importance de la maintenance et de la continuité du service à travers le transfert des technologies par le prestataire Chinois (Huawei, maître d’œuvre du projet) et la formation d’un grand nombre de techniciens sénégalais. Il y a problème si à ce jour, on parle encore de la dépendance de l’intranet gouvernemental aux opérateurs, compte tenu des dizaines de milliards investis pour rendre le réseau autonome.
Babou Birame
la gazette
Wade abusé ?
Le Président de la République très fier de sa « trouvaille », l’Intranet gouvernemental qu’il montre partout comme étant une de ses réalisations phares a-t-il été encore une fois, « mal informé » ? Tout porte à le croire. C’est en plein conseil des ministres, que Wade a piqué une colère noire quand il a su que le projet d’Intranet gouvernemental n’était pas autonome par rapport à la Sonatel. « Je pensais qu’on pouvait travailler parce que notre Internet ne dépend pas de la Sonatel », a-t-il lancé à ses collaborateurs. Le chef de l’Etat limoge sur le coup Mohamed Tidiane Seck qui, depuis trois ans, ne cesse de lui vendre cette idée. Quand l’Adie a vu le jour, c’est Mohamed Tidiane Seck qui a été nommé directeur, supervisé par le fils du président Karim Wade et Thierno Ousmane Sy, conseiller en Tic du président. Professeur d’informatique et de réseaux à l’Ecole Supérieure Polytechnique (Esp), Mohamed Tidiane Seck est jugé « compétent et rigoureux » par ses pairs. Il a été l’un des précurseurs de l’internet au Sénégal et son frère Abdoulaye Seck, un génie en informatique, nous informe-t-on, a réussi à rendre autonome le siège de la Bceao en Côte d’Ivoire depuis le début de la crise qui secoue ce pays.
Qu’est-ce qui s’est donc passé ? M. Seck est-il le responsable ? « Non, Mohamed Tidiane Seck n’est que l’agneau du sacrifice, puisque toutes les personnes en charge du domaine informatique de l’Etat, à commencer par le conseiller en Tic du président, savaient pertinemment tout. Mais, elles n’ont jamais voulu dire la vérité au président. C’est malheureux », se désole cet ingénieur informaticien très au fait du dossier sur l’Intranet gouvernemental. Le désormais ex-directeur de l’Adie et ses collaborateurs sont accusés d’avoir fait croire que « l’Intranet gouvernemental était indépendant des réseaux des opérateurs, notamment la Sonatel ». En vérité, selon cet ingénieur, « si toutes les fonctionnalités attendues d’un intranet étaient opérationnelles, les communications intergouvernementales ne devaient aucunement s’interrompre ».
Mais, malheureusement, en cette journée du 5 Août 2010, tous les endroits sensibles et stratégiques initialement ciblés par le projet d’intranet gouvernemental tels que la présidence de la République, la primature, le building administratif, le camp Dial Diop, le ministère de l’Economie et des finances, le ministère de l’Intérieur, le camp Lat Dior, le ministère des Affaires Etrangères, étaient paralysés. Et coupés du reste du monde. Qu’est-ce qui s’est réellement passé pour que l’arrêt de travail décrété par les travailleurs de la Sonatel puisse avoir une incidence aussi grave ? El Hadji Malick Bâ, ingénieur informaticien et cadre à la Sonatel répond : « Contrairement à ce qui était prévu dans le cahier de charges du projet, le prestataire chinois a choisi, comme solution, de faire passer le projet par le network de la Sonatel. Ce qui fait que l’intranet gouvernemental, tel que conçu, n’est pas autonome. Il dépend entièrement de la Sonatel ». Voilà la réalité !
Les membres de l’Adie et le conseiller en Tic du président qui ont informé Wade d’un « projet de développement d’une fibre optique qui permettrait aux différentes institutions et les services de l’Etat, au niveau central comme dans les régions, de pouvoir fonctionner et, du coup, se passer de l’Internet de la Sonatel à travers l’Intranet gouvernemental », sont faux. Pourtant, ce projet, jugé chimérique par nombre de spécialistes en la matière, est chanté sur tous les toits par le chef de l’Etat visiblement fasciné par les explications de ses collaborateurs. Il a vanté, à toutes les occasions (particulièrement lors des rencontres internationales), les mérites de ces réalisations. Il était loin de s’imaginer qu’à l’heure actuelle, la Sonatel reste le passage obligé pour le fonctionnement de l’intranet gouvernemental du Sénégal !
La Sonatel incontournable
Le projet de l’intranet gouvernemental, estimé à 40 milliards de francs Cfa, est financé par la République populaire de Chine via un prêt lié (un prêt contracté par une agence gouvernementale qui exige que l’emprunteur dépense, dans le pays du prêteur, les ressources financières relatives à un projet…). C’est donc l’entreprise chinoise Huawei qui s’occupe de la fourniture des solutions de partenariats à long terme. Ce projet comporte des aspects destinés à « sécuriser le pays et à permettre à l’Etat d’avoir un réseau autonome ». Pourquoi l’autonomie n’a-t-elle pas été assurée ? « Parce que le réseau qui alimente l’Intranet gouvernemental est confiné au Sénégal et est contrôlé par la Sonatel. C’est la Sonatel qui a le monopole de l’accès à l’Internet qui alimente le pays à travers son câble sous marin en fibre optique SAT 3 », explique Olivier Sagna, secrétaire général de l’Osiris (Observatoire sur les Systèmes d’Information, les Réseaux et les Inforoutes au Sénégal). Monsieur Sagna, à l’instar de tous les spécialistes que nous avons interrogés sur la question, reste convaincu que l’Adie a mené très loin l’informatique gouvernementale. L’infrastructure a été très bien étudiée et déployée selon les moyens mis à sa disposition. Par contre, quand le texte du site de l’Agence parle de « connexion avec l’extérieur », il pèche par manque de professionnalisme, en ne précisant pas que cet « extérieur » n’est pas l’extérieur du Sénégal, mais de la boucle optique. « Il n’a jamais été question d’autonomie à l’extérieur du Sénégal », s’indigne Olivier Sagna. Un Intranet, explique Alex Corenthin, Président de l’Isoc (Internet Society Senegal), « est un réseau interne et doit forcément être relayé, dans le cas du Sénégal, par la Sonatel via une ligne spécialisée.
L’Etat n’a pas d’autre solution puisqu’il ne dispose pas de liaison SAT autonome. Et au-delà de la Sonatel, il y a un autre raccordement vers le backbone qui relie le Sénégal au reste du monde ». En langage moins codé, cela signifie que, tant que le gouvernement ne dispose pas de liaisons satellites autonomes, ses connexions peuvent, à tout moment, être perturbées par la Sonatel qui est sans concurrent et reste alors incontournable. Pis, les endroits stratégiques de l’Etat ne sont nullement à l’abri de l’espionnage. Pour cause, les Etats signataires du traité UKUSA (Etats-Unis, Royaume-Uni, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande), disposent d’un code appelé « Echelon » (nom de code désignant le système mondial d’interception des communications privées et publiques) pour pouvoir espionner toutes les communications partant des pays qui ne disposent pas de leur propre liaison satellite.
Pour se prémunir de tout celà, il y a un prix à payer. Si une autonomie totale est voulue par les autorités du Sénégal, il faudra détourner la connexion de la Sonatel en la basculant vers une autre connexion satellite ou d’autres câbles sous-marins. Des sources proches de l’Adie révèlent que le gouvernement attend des câbles sous-marins en construction qui doivent quitter l’Angleterre pour le Sénégal en passant par le Nigéria. « Ces câbles devraient alimenter tous les pays de l’Afrique de l’Ouest et seraient fonctionnels en 2011 », informe Olivier Sagna. Le hic ? Cette solution alimenterait des sociétés étrangères au détriment de la compagnie nationale (Sonatel) et le coût de connexion ne sera forcément pas des moins chers. Une liaison internationale sur un câble sous-marin, nous dit-on, coûte environ 35 millions de dollars par mois. Est-il judicieux pour l’Etat d’enrichir des prestataires étrangers au détriment de la Sonatel dans laquelle il détient des actions à hauteur de 27% ? Pourquoi l’Etat n’achèterait-il pas les parts flottantes de la Sonatel évaluées à 7 milliards ?
Où sont passés les 40 milliards ?
Dans le cahier de charges du projet de l’intranet gouvernemental du Sénégal, il figure que le réseau devait reposer sur une boucle en fibre optique pour permettre d’interconnecter les sites principaux suivants : Présidence de la République, Primature, Building, Camp Dial Diop, Ministère de l’Economie et des finances, Ministère de l’Intérieur, Camp Lat Dior, Ministère des Affaires Etrangères. A partir de ces nœuds principaux sur la boucle, des bretelles devraient être tirées vers des sites situés en dehors du périmètre primaire de la boucle optique. Et « le réseau devrait être complété par un réseau hertzien qui sera opérationnel sur toute la ville de Dakar jusqu’à Rufisque. Cela devrait non seulement permettre de disposer d’un réseau secondaire et redondant entre les nœuds sur la boucle optique, mais il allait permettre aussi d’interconnecter des sites en banlieue, notamment les sites des centres fiscaux de Pikine et de la Direction de la Prévision et de la Statistique ».
D’un coût global estimé à 50 millions de dollars soit environ 25 milliards de francs Cfa, puis relevé à 40 milliards de francs Cfa, le réseau de l’intranet gouvernemental, lancé en décembre 2007 et bouclé en mars 2009, est le fruit de la coopération entre la République Populaire de Chine et le Sénégal. L’objectif de ce projet était de connecter près de 12 mille appareils téléphoniques à travers le Sénégal. Le premier déploiement a été réalisé en 2004 dans quatre ministères, au sein de la présidence et de l’Adie (Agence de l’Informatique de l’Etat) qui est maître d’ouvrage du projet. L’objectif, à terme, était de couvrir l’ensemble des 35 institutions et ministères rattachés au gouvernement.
Aujourd’hui, cet objectif est loin d’être atteint. Pourtant, en 2009, lors du lancement de l’intranet administratif par l’Adie, Abdourahim Agne, le ministre des technologies de l’information et de la communication d’alors déclarait : « Le réseau de l’intranet gouvernemental permettra de partager les applications informatiques avec les différents services de tous les ministères jusqu’au niveau des capitales régionales, de généraliser le courrier électronique à tous les agents de l’Etat, de façon à accélérer les échanges en vue d’accroître l’efficacité du travail administratif et de réduire à terme les charges induites par les communications entre les agents de l’administration publique ». Le ministre avait cependant insisté sur l’importance de la maintenance et de la continuité du service à travers le transfert des technologies par le prestataire Chinois (Huawei, maître d’œuvre du projet) et la formation d’un grand nombre de techniciens sénégalais. Il y a problème si à ce jour, on parle encore de la dépendance de l’intranet gouvernemental aux opérateurs, compte tenu des dizaines de milliards investis pour rendre le réseau autonome.
Babou Birame
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