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Mardi 5 Juin 2018

Prostitution et Ramadan : Refusant un congé sabbatique, les prostituées se la jouent avec pudeur


La prostitution, le plus vieux métier du monde, étale ses tentacules en plein mois de Ramadan. Ces dames « maudites » qui exercent à plein temps après la rupture du jeûne, n’ont pas pris de congé sabbatique. N’empêche, elles restent conscientes de la dimension religieuse et spirituelle du mois. Trompant la vigilance des novices, ces femmes adoptent un port discret fait de tenues vestimentaires décentes. Elles s’adjugent le voile et autres tenues pour éviter de choquer les sensibilités. Une promenade nocturne dans certaines rues de Dakar montre que le plus vieux métier du monde continue de faire courir des hommes aux pulsions, difficilement contrôlables. Et, l’univers de ces commerçantes de la chair fraîche reste une réalité en plein mois de ramadan. Décryptage…. (1ère partie)



Après un copieux « ndogou » en ce mois béni de Ramadan, il faut juste avoir le courage d’arpenter la nuit quelques ruelles de la capitale sénégalaise. Pour repérer les adeptes du métier de la prostitution, il faut juste, après avoir honoré les trois « rakkas » de « Timis », faire une petite promenade. L’enquêteur de Leral est sorti de sa demeure entre 21 heures et 21heures 30 mn pour se faire une idée de l'activité des prostituées. Il a quitté Lamine Guèye pour engager l’avenue Ponty, en direction de la place de l’indépendance où, la pollution créée par les milliers de véhicules qui occupent la journée les artères de la capitale, semble disparaître.
 
Ainsi, les arbres qui longent les voies viennent de terminer leur travail d’absorption du gaz carbonique, permettant ainsi, à Dakar de renaître dans la fraicheur de la nuit. L’air est pur et le silence a fini de prendre sa revanche sur le vacarme de la journée. A cette heure de la nuit, il lui a été même,  d’entendre les bruits sourds générés par ses propres pas.

Constat : Dakar est magnifique à ces heures. Sans trop s'en rendre compte, l'enquêteur marche sur les pas d'un passant tout occupé à plasmodier une litanie de sourates. « Muet comme une carpe pour ne pas perturber son « wird », je cherche à mieux comprendre ses incantations. Mais, c’était peine perdue. Son débit verbal m’empêche de déchiffrer ses paroles saintes. Je capte un « Bis… » par ici, un « Ast… » par-là, ou un « Lah… »  par moment. Et, ma conviction est que mon "guide improvisé" fait dans le charabia islamique pour ne pas dire qu’il est dans la dévotion à outrance », révèle-t-il, un brin taquin.

L’émerveillement

Tout d’un coup, un « Soubouhana Allah », retentissant vient rompre le silence.  "Le guide improvisé" décidément très pieux, s’arrête net et de la main gauche, il montre une silhouette qui se déplace avec délicatesse. Comme hypnotisé par cette femme aux allures pudiques dans un grand boubou bleu de basin richement brodé, il laisse entendre avec étonnement, « mais elle fume une cigarette » comme pour prendre à témoin l'enquêteur de Leral.  La dame se retourne, les toise des yeux, tire un coup et expire lentement le fumée de ses lèvres en "o". La colère de notre guide se mesure au rougeoiement du bout incandescent de la cigarette. Ne pouvant plus se contenir devant tant d'audace, il lance en wolof, « thiaga Xaaramatandiaye, Domou Xaar… » (Sale prostituée, fille de p…). Le journaliste de Leral étouffe mal ses éclats de rire, tout en le confortant dans son jugement:« tu as pourtant raison. C’est une prostituée ».

Mais le censeur d'un soir se ravise finalement:« Non, non ! Ce n’est juste qu'une femme moderne, victime de ce qu'ils appellent l’émancipation, tchimmm », rétorque-t-il, encore choqué, avant d’ajouter, « Regarde-la, elle est bien habillée, comme le veut la religion,. Et puis mon frère, n’oublies pas que nous sommes au mois de Ramadan. Tu as une fois vu une prostituée en plein ramadan ? ».
 
Le "guide improvisé" comme la majorité des Sénégalais, aura simplement oublié que la prostitution est un métier, peut-être pas comme les autres. Mais, pour celles qui la pratiquent, ce n’est pas un sous-métier. Ce métier se pratique à plein temps.

Poursuivant son chemin, notre duo croise trois autres filles sur l’avenue Galandou Diouf, angle Wagane Diouf. Deux d’entre elles viennent à leur rencontre, répétant d'une voix se voulant charmeuse: " chéris, chéris …" . Notre guide se retourne et leur demande avec nervosité. « Mais ! Qu’est ce qui se passe ? ». « Encartées » et expérimentées, elles ont vite compris qu'elles n'ont pas affaire à un "homme du milieu". Elles tournent aussitôt les talons, continuent à squatter le trottoir, en attendant l’arrivée d’un client.
 
Et, notre indicateur d'un soir d'accélèrer le pas, traversant la rue à toute allure, avant de disparaître dans la pénombre. Il vient seulement de comprendre. Et de loin, il émet des mots plus ou moins audibles, tels des « Xaram », « Soubouhanala »… La curiosité interdisait à l'enquêteur de Leral de prendre la tangente. Tenant son sujet, il aura fallu débourser deux fois moins que le prix d’une passe pour que l’une d’elles accepte de parler quelques minutes, sous le couvert de l’anonymat. A la grande indignation du "guide improvisé" qui le voyait déjà livré à la géhenne de l'enfer.
 
O WADE Leral






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