Non, ces propos ne proviennent pas d’une personne novice sur la question des violences commises à l’égard des enfants mais bien d’une Représentante de l’Etat et autorité en charge de la protection des droits des enfants dans notre pays. Effrayant... !
Oui, c’est bien vous Madame la Ministre de la famille et des Organisations féminines qui êtes en charge de protéger nos familles et nos enfants et de faire développer notre pays qui avait tenu ces propos à l’Assemblée Nationale ce lundi 14 novembre 2011.
Oui, les victimes mettent du temps à dénoncer les faits mais ne pensez-vous pas que ce silence est inhérent à l’acte subi ? Ne pensez-vous pas qu’un acte de viol est un événement horrible à vivre, une violation du corps, de l’intimité d’une personne, d’une jeune fille qui n’a parfois même pas conscience de ce qu’est la sexualité ? Une effraction du corps qui engendre à la fois incompréhension, peur, honte et traumatisme. Honte parce qu’on se sent violé, violé dans son propre corps, souillé par l’acte.
Comment parler des faits directement et spontanément alors qu’on a été menacé par l’auteur ? Ce serait méconnaitre le phénomène que de ne pas savoir que les victimes font face à des pressions de la part des abuseurs.
C’est très fréquemment que les victimes que nous recevons auprès de nos observatoires mettent en avant ces pressions et les mêmes propos reviennent : « Ne le dis pas à tes parents où je te tue », « Ne le dis pas à ma maman, elle ne sera pas contente ». Il ne faut pas oublier les enjeux qu’engendre une telle dénonciation pour l’enfant. Les enfants sont plus intelligents que vous ne le pensez Madame la Ministre. Ils ont conscience des conséquences d’une telle dénonciation pour eux et leurs familles (perturbation de l’équilibre familial, sentiment de honte…).
A vous entendre, cela semble tellement facile de parler d’un fait de viol! Ne pensez-vous que la violence de l’acte fonde ce silence et non le mensonge ?
Madame la Ministre, votre incompréhension des victimisations sexuelles, de leur répercussion sur le plan psychologique et sociale est flagrante. Comment pouvez-vous faire porter aux victimes de violence la responsabilité du passage à l’acte, c’est intolérable dans une société qui a signé tous les textes relatifs à la protection des droits des enfants !
Vos propos sont d’autant plus graves qu’ils contribuent à revictimiser ces enfants. Comment ces victimes, brisées par l’acte, qui, bien souvent se déroule dans le cercle
familial ou le voisinage proche en lequel la victime avait confiance, puissent réapprendre à vivre et avoir confiance en autrui ?
En qui peuvent-elles avoir confiance si elles ne disposent d’aucun soutien au sein de leurs familles qui ont bien souvent recours aux compromis financiers pour régler le conflit et où leurs propres souffrances sont niées à des fins de préservation de l’harmonie sociale du groupe?
Vous, Etat, êtes là pour assurer ce rôle et offrir aux victimes un dispositif de protection efficace et adaptée aux victimisations sexuelles et non pour les stigmatiser. Que vont devenir ces enfants si les autorités elles-mêmes ne les comprennent pas ? Comment notre pays va-t-il se développer et faire que nos enfants croient en l’avenir si aucune confiance ne leur est accordée et que de tels propos sont tenus ?
Peut-être qu’une telle réaction est la manifestation d’un certain malaise de nos politiques pour appréhender ce phénomène mais ils sont pourtant les piliers de notre société et doivent avoir une maitrise de ces faits de violences tant au niveau de leur émergence, de leur répercussions sociales que psychologiques. Sans cette connaissance, toute politique publique mise en place manquera d’efficacité. Madame la Ministre, la problématique des violences sexuelles ne peut pas être résolue en jetant l’opprobre sur nos enfants et plus particulièrement sur ces jeunes filles. Qu’en est-il des jeunes garçons victimes de viols ? A suivre votre logique, sont-ils, eux aussi, des victimes provocatrices ?
Vos collègues parlent de « dépravation de la société », il faut peut-être se poser la question de ce qui amène à cette prétendue dépravation. La non présence d’un Etat de droit n’influence-t-elle pas les comportements déviants et le développement de la délinquance ? En quoi peut croire nos enfants dans notre société actuelle ? Quelles sont leurs perspectives d’avenir quand, dans certaines régions du sud du Sénégal, à Vélingara où je me trouve actuellement, les enfants de 10,11,12 ans sont autorisés à participer à des bals et à rentrer en pleine nuit ? Certes, il en va de la responsabilité des parents mais l’Etat dans tout cela ? N’a-t-il pas son rôle à jouer ?
Toute l’assemblée des ONG de la société civile et des femmes qui ont appris les propos en même temps que moi dans le Fouladou partagent mon indignation. Nous osons espérer simplement que l’Assemblée Nationale qui vous a écouté ne vous ait point entendu. Et quand plus, la communauté internationale, les bailleurs de fonds ne retiennent dans vos propos qu’ils n’appartiennent qu’à votre personne et que cela n’engage pas notre Etat et nos valeurs.
Il devient urgent que nos politiques prennent conscience de la gravité des actes de violences sexuelles et de façon plus général protège nos enfants. Il faut que l’Etat ait une maitrise de l’ampleur des violences au Sénégal. A ce jour, nous disposons d’aucunes données statistiques nationales faisant état des infractions de viols et d’agressions sexuelles dans notre pays.
L’incompétence des personnes en charge de la protection de l’enfance au plus haut niveau étatique doit être combattue pour que nos enfants puissent croire en leur avenir et ne soient pas, au contraire, vu comme la source des maux de notre société.
Pr. Serigne Mor MBAYE, psychologue et Directeur du CEGID.
Oui, c’est bien vous Madame la Ministre de la famille et des Organisations féminines qui êtes en charge de protéger nos familles et nos enfants et de faire développer notre pays qui avait tenu ces propos à l’Assemblée Nationale ce lundi 14 novembre 2011.
Oui, les victimes mettent du temps à dénoncer les faits mais ne pensez-vous pas que ce silence est inhérent à l’acte subi ? Ne pensez-vous pas qu’un acte de viol est un événement horrible à vivre, une violation du corps, de l’intimité d’une personne, d’une jeune fille qui n’a parfois même pas conscience de ce qu’est la sexualité ? Une effraction du corps qui engendre à la fois incompréhension, peur, honte et traumatisme. Honte parce qu’on se sent violé, violé dans son propre corps, souillé par l’acte.
Comment parler des faits directement et spontanément alors qu’on a été menacé par l’auteur ? Ce serait méconnaitre le phénomène que de ne pas savoir que les victimes font face à des pressions de la part des abuseurs.
C’est très fréquemment que les victimes que nous recevons auprès de nos observatoires mettent en avant ces pressions et les mêmes propos reviennent : « Ne le dis pas à tes parents où je te tue », « Ne le dis pas à ma maman, elle ne sera pas contente ». Il ne faut pas oublier les enjeux qu’engendre une telle dénonciation pour l’enfant. Les enfants sont plus intelligents que vous ne le pensez Madame la Ministre. Ils ont conscience des conséquences d’une telle dénonciation pour eux et leurs familles (perturbation de l’équilibre familial, sentiment de honte…).
A vous entendre, cela semble tellement facile de parler d’un fait de viol! Ne pensez-vous que la violence de l’acte fonde ce silence et non le mensonge ?
Madame la Ministre, votre incompréhension des victimisations sexuelles, de leur répercussion sur le plan psychologique et sociale est flagrante. Comment pouvez-vous faire porter aux victimes de violence la responsabilité du passage à l’acte, c’est intolérable dans une société qui a signé tous les textes relatifs à la protection des droits des enfants !
Vos propos sont d’autant plus graves qu’ils contribuent à revictimiser ces enfants. Comment ces victimes, brisées par l’acte, qui, bien souvent se déroule dans le cercle
familial ou le voisinage proche en lequel la victime avait confiance, puissent réapprendre à vivre et avoir confiance en autrui ?
En qui peuvent-elles avoir confiance si elles ne disposent d’aucun soutien au sein de leurs familles qui ont bien souvent recours aux compromis financiers pour régler le conflit et où leurs propres souffrances sont niées à des fins de préservation de l’harmonie sociale du groupe?
Vous, Etat, êtes là pour assurer ce rôle et offrir aux victimes un dispositif de protection efficace et adaptée aux victimisations sexuelles et non pour les stigmatiser. Que vont devenir ces enfants si les autorités elles-mêmes ne les comprennent pas ? Comment notre pays va-t-il se développer et faire que nos enfants croient en l’avenir si aucune confiance ne leur est accordée et que de tels propos sont tenus ?
Peut-être qu’une telle réaction est la manifestation d’un certain malaise de nos politiques pour appréhender ce phénomène mais ils sont pourtant les piliers de notre société et doivent avoir une maitrise de ces faits de violences tant au niveau de leur émergence, de leur répercussions sociales que psychologiques. Sans cette connaissance, toute politique publique mise en place manquera d’efficacité. Madame la Ministre, la problématique des violences sexuelles ne peut pas être résolue en jetant l’opprobre sur nos enfants et plus particulièrement sur ces jeunes filles. Qu’en est-il des jeunes garçons victimes de viols ? A suivre votre logique, sont-ils, eux aussi, des victimes provocatrices ?
Vos collègues parlent de « dépravation de la société », il faut peut-être se poser la question de ce qui amène à cette prétendue dépravation. La non présence d’un Etat de droit n’influence-t-elle pas les comportements déviants et le développement de la délinquance ? En quoi peut croire nos enfants dans notre société actuelle ? Quelles sont leurs perspectives d’avenir quand, dans certaines régions du sud du Sénégal, à Vélingara où je me trouve actuellement, les enfants de 10,11,12 ans sont autorisés à participer à des bals et à rentrer en pleine nuit ? Certes, il en va de la responsabilité des parents mais l’Etat dans tout cela ? N’a-t-il pas son rôle à jouer ?
Toute l’assemblée des ONG de la société civile et des femmes qui ont appris les propos en même temps que moi dans le Fouladou partagent mon indignation. Nous osons espérer simplement que l’Assemblée Nationale qui vous a écouté ne vous ait point entendu. Et quand plus, la communauté internationale, les bailleurs de fonds ne retiennent dans vos propos qu’ils n’appartiennent qu’à votre personne et que cela n’engage pas notre Etat et nos valeurs.
Il devient urgent que nos politiques prennent conscience de la gravité des actes de violences sexuelles et de façon plus général protège nos enfants. Il faut que l’Etat ait une maitrise de l’ampleur des violences au Sénégal. A ce jour, nous disposons d’aucunes données statistiques nationales faisant état des infractions de viols et d’agressions sexuelles dans notre pays.
L’incompétence des personnes en charge de la protection de l’enfance au plus haut niveau étatique doit être combattue pour que nos enfants puissent croire en leur avenir et ne soient pas, au contraire, vu comme la source des maux de notre société.
Pr. Serigne Mor MBAYE, psychologue et Directeur du CEGID.