Parlez nous de vous en quelques mots !
Je suis un artiste comédien qui habite dans la banlieue, précisement à Guédiawaye. Mon vari nom c’est Cheikh Abdoulahat Mbacké Ndiaye. Mais, on me connait plus sous le nom de Tann Bombé.
Et d’où vient ce surnom ?
C’est le rappeur Pacotille qui m’a collé ce surnom. C’était, il y a cinq ans, lors d’un tournage de son téléfilm auquel j’ai participé. Un téléfilm qui, malheureusement, n’est toujours pas sorti. J’y jouais le rôle d’un vendeur de CD piratés. Pacotille m’a qualifié de Charognard qui signifie ‘’tann’’ en wolof. Depuis lors, ce surnom m’est resté.
Revenons à votre parcours de comédien. Comment se sont passés vos débuts ?
Pour moi, la comédie c’est mon destin et je l’ai accepté. J’ai fait ma formation au Centre culturel Blaise Senghor. Ibrahima Mbaye Sopé fait partie de ceux qui m’ont encadré. Mais mon talent de comédien, c’est un don de Dieu, parce selon moi, personne ne peut apprendre la comédie à quelqu’un d’autre. C’est pourquoi, quand j’entends des artistes dire que je suis passé à l’école des arts, et parler de théâtre professionnel, ça m’étonne. A l’école des arts on ne peut pas apprendre aux gens à faire de la comédie. La comédie on nait avec. Moi, c’est depuis l’école primaire que j’ai révélé mes talents de comédien. J’étais à l’école St Julien à coté de la côté de la pouponnière de la Médina. A l’occasion de chaque mardi gras, on me sollicitait pour des prestations, alors que j’étais encore à l’école primaire. Et puis, j’étais le plus turbulent de l’école. Chaque semaine, on convoquait mon père au moins une fois à cause des gaffes que je commettais. Un jour j’ai cassé une vitre de la fenêtre de notre classe juste par plaisir. Quand j’étais encore jeune, je prenais du plaisir à faire des dégâts pour qu’on parle de moi. Le fait qu’on dise que Lahat Ndiaye a encore commis un dégât et qu’on convoque mon père à l’école me plaisait. Des fois, je me bagarrais avec mes camarades de classe qui se moquaient de moi à cause de mon obésité. Je le battais jusqu’à m’asseoir sur eux. Imaginez tout mon poids sur quelqu’un. Ils allaient après se plaindre chez le directeur qui automatiquement, convoquait mes parents. Les gens m’ont remarqué dans la comédie. Mais, je sais très bien jouer un drame. Je suis polyvalent. Si vous remarquez dans le téléfilm de Keb’s où il était un homosexuel, c’est moi qui était son père. Ce n’était pas de la comédie, mais du drame. En plus, je joue en français si je maitrise bien le texte.
Mais sur scène vous changez votre façon de parler, avec un accent bien particulier, pourquoi ?
C’est un personnage. Il faillait que je sois différent des autres artistes, soit dans la façon de parler ou de jouer. C’est ce que je dis toujours, un artiste doit être créatif et apporter quelque chose de nouveau. Un comédien qui ne vient pas avec son propre style, disparait rapidement. Il y a des comédiens qui ont leur talent dans leur expression corporelle, d’autres dans leur voix etc. Moi-même si je n’avais pas changé ma voix, j’aurais une autre particularité dans ma façon de faire de la comédie. Quand je jouais le rôle de marabout dans « Mayacine Ak Dial » je parlais naturellement et les gens ont beaucoup rigolé. La comédie est un don. Mais la créativité est aussi importante. Et je suis sûr que des comédiens comme Sa Nékhe, Per Bou Khar et moi, allons faire la différence.
Mais certains estiment que vous utilisez parfois des mots incorrects avec votre façon de parler en tant que comédien ?
(Il éclate de rires) Mais que voulez-vous «dama dotome» (NDLR : j’ai un cheveu sur la langue). Je parle ainsi. Je suis désolé, mais c’est comme ça que je peux prononcer ces mots. Moi-même qui prononce ces mots, je sais que cela dérange. Si les gens me critiquent ainsi, c’est parce qu’ils ne font pas la part des choses entre le comédien et mon vrai personnage. Je ne suis pas quelqu’un d’incorrect. Et puisque je ne reçois aucune critique de mes fans, je considère que ce que je fais c’est bon. A moins qu’ils me vantent.
«Les comédiens attendent de se retrouver dans la politique culturelle du gouvernement. Il faut que les gens comprennent ce nous représentons dans la société. Car on contribue plus que les autres célébrités à l’éducation et à la promotion du civisme»
Mais Tann, si vous n’étiez pas un comédien, qu’alliez-vous devenir avec votre poids ?
Mais, vous savez, j’étais un élève brillant à l’école. Quand j’ai fait l’examen du BFEM au CEM Abdoulaye Mathurin Diop et que j’ai échoué, cela m’a révolté parce que pour moi, je dois réussir. Donc j’ai décidé de quitter les bancs. Si je n’étais pas comédien malgré mon obésité, je serai tout de même devenu quelqu’un, car il y’a d’autres gens qui sont plus gros que moi et qui ont réussi dans leur vie. Et puis j’ai appris le métier de tailleur pendant trois ans. J’étais dans l’atelier de mon grand frère. En ce moment aussi, j’allais en répétition. Le fait de déserter l’atelier pour les répétions, a poussé mon frère à me demander de choisir entre la couture ou le théâtre. J’ai opté pour le second. Parce qu’en ce temps, c’était difficile pour moi d’arrêter le théâtre. J’avais même commencé à jouer des spectacles publics dans les quartiers de Guédiawaye, et je faisais la vedette. Je me suis alors dit que si je fonce je vais réussir. Dieu merci, aujourd’hui, je fais partie des comédiens qui ont amené des trophées au Sénégal à la suite d’une prestation à l’étranger. Lors de notre dernier passage en Italie avec Cheikh Seck, Serigne Ngagne, Hamdy Mignon et Per bou Khar, nous sommes revenus avec des médailles d’or et des trophées. C’était lors d’un festival international. Malheureusement, on ne l’a pas médiatisé. Pour des artistes comédiens qui sont allés représenter leur pays à l’extérieur et qui rentrent avec des trophées, j’ai eu honte quand à notre arrivée à l’aéroport, on n’avait personne pour nous accueillir et nous dire merci. Sérieusement, on n’est pas considérés ni respectés.
Mais est ce que vos débuts ont été difficiles ?
Difficiles, oui comme tout début. Pour moi, je suis toujours au point de départ dans la comédie. Je n’ai pas encore vu le bout du tunnel, contrairement à ce que les Sénégalais peuvent penser. Peut- être que dans l’avenir, je réaliserai mes objectifs en tant que comédien. Les gens me voient tout le temps à la télé, apprécient mes prestations et pensent que tout va bien dans notre milieu. Mais sérieusement, c’est trop dur.
Comment ça ?
Je vous laisse constater de vous-même. C’est rare de voir un comédien conduire sa propre voiture ou habiter dans sa propre maison. Quand on a nommé un artiste à la tête de la Culture en la personne de Youssou Ndour, l’espoir était permis. Mais, on attend encore de voir ce qu’il va faire. Par rapport à notre situation sociale, il y’avait une action que l’ex-ministre de la culture, Serigne Modou Bousso Leye avait engagé. Il voulait mettre sur place une mutuelle des artistes comédiens pour nous permettre d’assurer notre prise en charge médicale. On voulait nous octroyer des crédits pour l’habitat, mais ce projet est tombé à l’eau. Nous appelons le ministre Youssou Ndour à ressusciter ce projet, car c’est une honte pour nous les artistes comédiens, de mourir dans le désarroi et la plupart d’entre nous, finissent leur vie alités. Les gens sont obligés de faire des quêtes pour nous soigner, pour nous offrir des funérailles dignes de ce nom. En plus, même quand on devient vieux, on est obligés de continuer à faire du théâtre parce que nous n’avons pas d’indemnité de retraite.
Mais vous avez espoir que votre situation va changer ?
Tout dépend de la volonté politique des autorités de la Culture. En tout cas, Youssou Ndour n’a pas encore fait la différence, mais puisque c’est une nouvelle équipe, les comédiens attendent de se retrouver dans la politique culturelle du gouvernement. Il faut que les gens comprennent ce que représentent les comédiens dans la société. On nous qualifie de star comme les autres célébrités, mais à mon avis, on contribue plus que les autres à l’éducation et à la promotion du civisme. On n’a jamais vu nos fans verser dans la violence, que ce soient mes admirateurs, ceux de Per Bou Khar, ou de Sa Nékhe. Donc le ministre de la Culture doit mieux nous considérer et réfléchir sur l’avancement de notre statut. D’ailleurs ce qui m’a révolté ces temps-ci, c’est quand j’ai entendu que le Centre culturel de Kaolack va porter le nom du défunt artiste Thierno Ndiaye Doss, décédé récemment. Pourtant attendre sa mort ? C’est ça qui m’écœure. On attend notre mort pour magnifier notre talent. En tout cas, moi Tann Bombé si quelqu’un veut attendre ma mort pour magnifier ce que je fais ou m’aider en tant que comédien, je prie le bon Dieu qu’il me suive immédiatement dans l’au- delà.
Donc vous estimez que Ndiaye Doss n’a pas été assisté ?
Sa famille oui. Dieu merci, il n’était pas dans le besoin. Ses enfants sont à l’étranger. Ils l’ont pris en charge médicalement. Mais, l’Etat avait le devoir de le soutenir. Nous sommes des ambassadeurs du Sénégal sur le plan culturel et puis, nous sommes les médecins de l’âme en faisant rire tout le monde.
Mais entre vous comédiens au niveau de l’ARCOTS, n’y a-t-il pas une querelle de leadership ?
Non c’était seulement au niveau de la cellule de Pikine, entre Leyti Fall et Mansour Mbaye Madiaga et c’est réglé. Maintenant c’est Leyti Fall qui est le président, Mansour n’y est plus. Il gère sa propre troupe théâtrale.
Mais il parait que vous demandiez qu’un comédien soit nommé conseiller du ministre de la culture ?
Mais bien sûr, pourquoi pas. Il a engagé dans son équipe des écrivains comme Alioune Badara Béye, un musicien comme Omar Péne et pourquoi pas un comédien comme conseiller de Youssou Ndour. Nous faisons tous partie de la Culture. Je pense qu’on a besoin de cela pour que nos préoccupations soient prises en compte par nos autorités. C’est important. Ce que nous demandons à notre ministre, c’est un droit, nous ne mendions pas. Par exemple, on a nos subventions, il faut que le ministère nous les donne. Et puis, je vous annonce que sous peu, nous allons nous faire entendre pour qu’on respecte nos droits. Sa Nékhe, Per Bou Khar, d’autres artistes comédiens et moi, nous allons faire face aux journalistes pour parler.
Pour dire quoi ?
Mais pour revendiquer et exiger qu’on respecte nos droits. Nous ne sommes pas des ignorants, il y’a des intellectuels et des professionnels parmi nous. Nous avons des droits dans ce pays. Malgré tout, à chaque fois que nous signons des contrats, on nous oblige à payer des impôts alors qu’on voulait l’imposer aux lutteurs qui ont catégoriquement refusé. Ils n’apportent rien à l’économie du Sénégal, et c’est eux qu’on respecte plus. Je peux vous montrer le papier, on m’a coupé 5% au BRS soit 175.000 frs sur mon cachet. On n’accepte de payer l’impôt parce qu’on ne veut pas de problème. Vous n’avez jamais entendu les comédiens organiser une marche, alors qu’on a mille et une raisons de le faire. Mais lors de cette conférence de presse, nous allons nous faire entendre. En plus, ce manque de considération se reflètent même dans le comportement des populations envers les comédiens. Elles ne font pas la part des choses entre notre personnage de comédien et notre vraie personne. Des fois, on passe dans la rue, des gens imitent ma façon de parler dans mes sketches et reprennent certains mots pour me taquiner. Les gens veulent me faire jouer de ma comédie même dans la rue, ce que je refuse, nous sommes des comédiens et non des bouffons. Les gens ne nous respectent pas. Le comédien, c’est un boubou qu’on porte et qu’on enlève une fois qu’on descend de la scène. Il m’est arrivé qu’un gars au volant de sa 4X4 me demande de descendre du taxi qui me transportait pour venir saluer ses enfants. Il se prend pour qui ? Pour ces Sénégalais, ce que nous incarnons à la télévision, c’est ce que nous devons incarner dans la rue. Même chez moi, si tu veux me faire parler comme un comédien, je ne te réponds pas. Un jour, j’ai raccroché au nez une personnalité qui, bien qu’imitant ma façon de parler, m’avait mis dans tous mes états. Ce n’est pas sérieux.
Donc en dehors de la scène, vous détestez qu’on vous fasse jouer de la comédie ?
Bien sûr. On doit considérer la comédie comme un métier, comme la mécanique ou la menuiserie. Je veux qu’on dissocie Tann Bombé de Abdou Lahat Ndiaye qui est ma vraie personnalité.
Où en êtes-vous avec la professionnalisation de votre statut ?
C’est vrai qu’aujourd’hui, nous avons une association. Nous sommes réunis autour de ARCOTS qui signifie Artistes comédiens du théâtre sénégalais, que nous avons monté par cellule départementale. Au niveau de Guédiawaye, je suis le metteur en scène et je partage avec les jeunes comédiens, le peu d’expérience que j’ai en les encadrant. Tout cela pour améliorer le théâtre. Mais il faut qu’on aide les comédiens à travers ARCOTS. Paradoxalement, c’est ici au Sénégal que les comédiens n’ont pas de salaire. Tout prés de chez nous au Mali, les comédiens reconnus, les plus célèbres, ont des salaires. Alors qu’au Sénégal, un comédien ne peut compter que sur ses spectacles. Sinon, il ne vit pas. C’est pire encore quand on est un père de famille.
Est-ce que vous avez des regrets en tant que comédien ?
Non je ne regrette rien parce je vis normalement. Mon statut de comédien m’a permis d’avoir beaucoup de relations et beaucoup d’amis qui m’ont soutenu comme Wagane Ndiaye qui est le coordonnateur de l’Alliance pour la République (APR) de Yeumbeul-Nord. C’est mon manager en même temps, mon ami. On s’est beaucoup donnés pour le parti de Macky Sall. J’ai parcouru toute la localité de Yeumbeul en sa compagnie. C’est moi qui avais le micro central. S’il tourne le dos à Macky Sall, je fais de même.
Quelle joie vous procure votre statut ?
«Je pouvais faire comme certains artistes qui se prennent pour des stars. Dès qu’ils commencent à se faire un nom, ils déménagent à Ouest Foire ou aux Maristes. Moi, j’ai choisi de rester à Guédiawaye parce que je tiens à représenter mon quartier»
Le coté positif dans notre statut d’artiste, c’est les gens qui nous aiment et qui nous aiment beaucoup. Mais si on n’attendait que l’Etat, on allait vivre misérablement. Nous avons nos subventions au ministère de la culture et dans les collectivités locales, mais on ne les perçoit pas. On est fiers d’être banlieusards. Moi Tann, je pouvais faire comme certains artistes qui se prennent pour des stars. S’ils commencent à se faire un nom, ils déménagent à Ouest Foire ou aux Maristes. Je reste à Guédiawaye. Ce n’est pas parce que je manque de quoi payer la location dans ces quartiers de luxe car je paye le loyer ici, mais je tiens à représenter Guédiawaye, mon quartier.
Vous faites partie des comédiens vedettes durant le mois de ramadan avec vos sketches sur Walf, comment l’avez-vous vécu ?
Bon, je remercie beaucoup les Sénégalais, parce qu’on m’appelle souvent pour me féliciter. Je donne toujours le meilleur de moi pour leur faire plaisir. Vous avez vu, cette année, on s’attendait à ce que mon père ne mange pas à l’heure de la coupure. Mais, c’est plutôt moi qui ai souffert en tant que mari de «Ma puce». C’était pour innover et faire la différence par rapport à l’année dernière. Vous savez au Sénégal, il est très facile pour un artiste d’être «has been». Facilement, les Sénégalais peuvent vous trouver dépassé. C’est pourquoi, on est obligés d’innover.
Au fait, comment se passe votre complicité avec «ma puce»
«Ma puce», c’est ma femme dans les sketches qui passait sur Walf TV, lors du ramadan et rien de plus. Mais elle m’a fait beaucoup souffrir. Vous avez remarqué comment j’ai maigri. C’est juste un rôle qu’elle a incarné.
Vos productions sur Walf TV vous ont tellement rendu célèbre qu’il se disait, à l’époque, que vous vouliez prendre la place de Sa Ndiogou. Qu’en est-il ?
(Catégorique) Non. C’est faux. Ce ne sont que des rumeurs. Je suis artiste comédien et non animateur radio et /ou télé. Ma place est sur la scène. La vérité c’est que Sa Ndiogou était en congé et je meublais son temps. Mais loin de moi, l’idée de lui piquer sa place.
Propos recueillis par FAWADE WELLE
Le Pays au Quotidien
Je suis un artiste comédien qui habite dans la banlieue, précisement à Guédiawaye. Mon vari nom c’est Cheikh Abdoulahat Mbacké Ndiaye. Mais, on me connait plus sous le nom de Tann Bombé.
Et d’où vient ce surnom ?
C’est le rappeur Pacotille qui m’a collé ce surnom. C’était, il y a cinq ans, lors d’un tournage de son téléfilm auquel j’ai participé. Un téléfilm qui, malheureusement, n’est toujours pas sorti. J’y jouais le rôle d’un vendeur de CD piratés. Pacotille m’a qualifié de Charognard qui signifie ‘’tann’’ en wolof. Depuis lors, ce surnom m’est resté.
Revenons à votre parcours de comédien. Comment se sont passés vos débuts ?
Pour moi, la comédie c’est mon destin et je l’ai accepté. J’ai fait ma formation au Centre culturel Blaise Senghor. Ibrahima Mbaye Sopé fait partie de ceux qui m’ont encadré. Mais mon talent de comédien, c’est un don de Dieu, parce selon moi, personne ne peut apprendre la comédie à quelqu’un d’autre. C’est pourquoi, quand j’entends des artistes dire que je suis passé à l’école des arts, et parler de théâtre professionnel, ça m’étonne. A l’école des arts on ne peut pas apprendre aux gens à faire de la comédie. La comédie on nait avec. Moi, c’est depuis l’école primaire que j’ai révélé mes talents de comédien. J’étais à l’école St Julien à coté de la côté de la pouponnière de la Médina. A l’occasion de chaque mardi gras, on me sollicitait pour des prestations, alors que j’étais encore à l’école primaire. Et puis, j’étais le plus turbulent de l’école. Chaque semaine, on convoquait mon père au moins une fois à cause des gaffes que je commettais. Un jour j’ai cassé une vitre de la fenêtre de notre classe juste par plaisir. Quand j’étais encore jeune, je prenais du plaisir à faire des dégâts pour qu’on parle de moi. Le fait qu’on dise que Lahat Ndiaye a encore commis un dégât et qu’on convoque mon père à l’école me plaisait. Des fois, je me bagarrais avec mes camarades de classe qui se moquaient de moi à cause de mon obésité. Je le battais jusqu’à m’asseoir sur eux. Imaginez tout mon poids sur quelqu’un. Ils allaient après se plaindre chez le directeur qui automatiquement, convoquait mes parents. Les gens m’ont remarqué dans la comédie. Mais, je sais très bien jouer un drame. Je suis polyvalent. Si vous remarquez dans le téléfilm de Keb’s où il était un homosexuel, c’est moi qui était son père. Ce n’était pas de la comédie, mais du drame. En plus, je joue en français si je maitrise bien le texte.
Mais sur scène vous changez votre façon de parler, avec un accent bien particulier, pourquoi ?
C’est un personnage. Il faillait que je sois différent des autres artistes, soit dans la façon de parler ou de jouer. C’est ce que je dis toujours, un artiste doit être créatif et apporter quelque chose de nouveau. Un comédien qui ne vient pas avec son propre style, disparait rapidement. Il y a des comédiens qui ont leur talent dans leur expression corporelle, d’autres dans leur voix etc. Moi-même si je n’avais pas changé ma voix, j’aurais une autre particularité dans ma façon de faire de la comédie. Quand je jouais le rôle de marabout dans « Mayacine Ak Dial » je parlais naturellement et les gens ont beaucoup rigolé. La comédie est un don. Mais la créativité est aussi importante. Et je suis sûr que des comédiens comme Sa Nékhe, Per Bou Khar et moi, allons faire la différence.
Mais certains estiment que vous utilisez parfois des mots incorrects avec votre façon de parler en tant que comédien ?
(Il éclate de rires) Mais que voulez-vous «dama dotome» (NDLR : j’ai un cheveu sur la langue). Je parle ainsi. Je suis désolé, mais c’est comme ça que je peux prononcer ces mots. Moi-même qui prononce ces mots, je sais que cela dérange. Si les gens me critiquent ainsi, c’est parce qu’ils ne font pas la part des choses entre le comédien et mon vrai personnage. Je ne suis pas quelqu’un d’incorrect. Et puisque je ne reçois aucune critique de mes fans, je considère que ce que je fais c’est bon. A moins qu’ils me vantent.
«Les comédiens attendent de se retrouver dans la politique culturelle du gouvernement. Il faut que les gens comprennent ce nous représentons dans la société. Car on contribue plus que les autres célébrités à l’éducation et à la promotion du civisme»
Mais Tann, si vous n’étiez pas un comédien, qu’alliez-vous devenir avec votre poids ?
Mais, vous savez, j’étais un élève brillant à l’école. Quand j’ai fait l’examen du BFEM au CEM Abdoulaye Mathurin Diop et que j’ai échoué, cela m’a révolté parce que pour moi, je dois réussir. Donc j’ai décidé de quitter les bancs. Si je n’étais pas comédien malgré mon obésité, je serai tout de même devenu quelqu’un, car il y’a d’autres gens qui sont plus gros que moi et qui ont réussi dans leur vie. Et puis j’ai appris le métier de tailleur pendant trois ans. J’étais dans l’atelier de mon grand frère. En ce moment aussi, j’allais en répétition. Le fait de déserter l’atelier pour les répétions, a poussé mon frère à me demander de choisir entre la couture ou le théâtre. J’ai opté pour le second. Parce qu’en ce temps, c’était difficile pour moi d’arrêter le théâtre. J’avais même commencé à jouer des spectacles publics dans les quartiers de Guédiawaye, et je faisais la vedette. Je me suis alors dit que si je fonce je vais réussir. Dieu merci, aujourd’hui, je fais partie des comédiens qui ont amené des trophées au Sénégal à la suite d’une prestation à l’étranger. Lors de notre dernier passage en Italie avec Cheikh Seck, Serigne Ngagne, Hamdy Mignon et Per bou Khar, nous sommes revenus avec des médailles d’or et des trophées. C’était lors d’un festival international. Malheureusement, on ne l’a pas médiatisé. Pour des artistes comédiens qui sont allés représenter leur pays à l’extérieur et qui rentrent avec des trophées, j’ai eu honte quand à notre arrivée à l’aéroport, on n’avait personne pour nous accueillir et nous dire merci. Sérieusement, on n’est pas considérés ni respectés.
Mais est ce que vos débuts ont été difficiles ?
Difficiles, oui comme tout début. Pour moi, je suis toujours au point de départ dans la comédie. Je n’ai pas encore vu le bout du tunnel, contrairement à ce que les Sénégalais peuvent penser. Peut- être que dans l’avenir, je réaliserai mes objectifs en tant que comédien. Les gens me voient tout le temps à la télé, apprécient mes prestations et pensent que tout va bien dans notre milieu. Mais sérieusement, c’est trop dur.
Comment ça ?
Je vous laisse constater de vous-même. C’est rare de voir un comédien conduire sa propre voiture ou habiter dans sa propre maison. Quand on a nommé un artiste à la tête de la Culture en la personne de Youssou Ndour, l’espoir était permis. Mais, on attend encore de voir ce qu’il va faire. Par rapport à notre situation sociale, il y’avait une action que l’ex-ministre de la culture, Serigne Modou Bousso Leye avait engagé. Il voulait mettre sur place une mutuelle des artistes comédiens pour nous permettre d’assurer notre prise en charge médicale. On voulait nous octroyer des crédits pour l’habitat, mais ce projet est tombé à l’eau. Nous appelons le ministre Youssou Ndour à ressusciter ce projet, car c’est une honte pour nous les artistes comédiens, de mourir dans le désarroi et la plupart d’entre nous, finissent leur vie alités. Les gens sont obligés de faire des quêtes pour nous soigner, pour nous offrir des funérailles dignes de ce nom. En plus, même quand on devient vieux, on est obligés de continuer à faire du théâtre parce que nous n’avons pas d’indemnité de retraite.
Mais vous avez espoir que votre situation va changer ?
Tout dépend de la volonté politique des autorités de la Culture. En tout cas, Youssou Ndour n’a pas encore fait la différence, mais puisque c’est une nouvelle équipe, les comédiens attendent de se retrouver dans la politique culturelle du gouvernement. Il faut que les gens comprennent ce que représentent les comédiens dans la société. On nous qualifie de star comme les autres célébrités, mais à mon avis, on contribue plus que les autres à l’éducation et à la promotion du civisme. On n’a jamais vu nos fans verser dans la violence, que ce soient mes admirateurs, ceux de Per Bou Khar, ou de Sa Nékhe. Donc le ministre de la Culture doit mieux nous considérer et réfléchir sur l’avancement de notre statut. D’ailleurs ce qui m’a révolté ces temps-ci, c’est quand j’ai entendu que le Centre culturel de Kaolack va porter le nom du défunt artiste Thierno Ndiaye Doss, décédé récemment. Pourtant attendre sa mort ? C’est ça qui m’écœure. On attend notre mort pour magnifier notre talent. En tout cas, moi Tann Bombé si quelqu’un veut attendre ma mort pour magnifier ce que je fais ou m’aider en tant que comédien, je prie le bon Dieu qu’il me suive immédiatement dans l’au- delà.
Donc vous estimez que Ndiaye Doss n’a pas été assisté ?
Sa famille oui. Dieu merci, il n’était pas dans le besoin. Ses enfants sont à l’étranger. Ils l’ont pris en charge médicalement. Mais, l’Etat avait le devoir de le soutenir. Nous sommes des ambassadeurs du Sénégal sur le plan culturel et puis, nous sommes les médecins de l’âme en faisant rire tout le monde.
Mais entre vous comédiens au niveau de l’ARCOTS, n’y a-t-il pas une querelle de leadership ?
Non c’était seulement au niveau de la cellule de Pikine, entre Leyti Fall et Mansour Mbaye Madiaga et c’est réglé. Maintenant c’est Leyti Fall qui est le président, Mansour n’y est plus. Il gère sa propre troupe théâtrale.
Mais il parait que vous demandiez qu’un comédien soit nommé conseiller du ministre de la culture ?
Mais bien sûr, pourquoi pas. Il a engagé dans son équipe des écrivains comme Alioune Badara Béye, un musicien comme Omar Péne et pourquoi pas un comédien comme conseiller de Youssou Ndour. Nous faisons tous partie de la Culture. Je pense qu’on a besoin de cela pour que nos préoccupations soient prises en compte par nos autorités. C’est important. Ce que nous demandons à notre ministre, c’est un droit, nous ne mendions pas. Par exemple, on a nos subventions, il faut que le ministère nous les donne. Et puis, je vous annonce que sous peu, nous allons nous faire entendre pour qu’on respecte nos droits. Sa Nékhe, Per Bou Khar, d’autres artistes comédiens et moi, nous allons faire face aux journalistes pour parler.
Pour dire quoi ?
Mais pour revendiquer et exiger qu’on respecte nos droits. Nous ne sommes pas des ignorants, il y’a des intellectuels et des professionnels parmi nous. Nous avons des droits dans ce pays. Malgré tout, à chaque fois que nous signons des contrats, on nous oblige à payer des impôts alors qu’on voulait l’imposer aux lutteurs qui ont catégoriquement refusé. Ils n’apportent rien à l’économie du Sénégal, et c’est eux qu’on respecte plus. Je peux vous montrer le papier, on m’a coupé 5% au BRS soit 175.000 frs sur mon cachet. On n’accepte de payer l’impôt parce qu’on ne veut pas de problème. Vous n’avez jamais entendu les comédiens organiser une marche, alors qu’on a mille et une raisons de le faire. Mais lors de cette conférence de presse, nous allons nous faire entendre. En plus, ce manque de considération se reflètent même dans le comportement des populations envers les comédiens. Elles ne font pas la part des choses entre notre personnage de comédien et notre vraie personne. Des fois, on passe dans la rue, des gens imitent ma façon de parler dans mes sketches et reprennent certains mots pour me taquiner. Les gens veulent me faire jouer de ma comédie même dans la rue, ce que je refuse, nous sommes des comédiens et non des bouffons. Les gens ne nous respectent pas. Le comédien, c’est un boubou qu’on porte et qu’on enlève une fois qu’on descend de la scène. Il m’est arrivé qu’un gars au volant de sa 4X4 me demande de descendre du taxi qui me transportait pour venir saluer ses enfants. Il se prend pour qui ? Pour ces Sénégalais, ce que nous incarnons à la télévision, c’est ce que nous devons incarner dans la rue. Même chez moi, si tu veux me faire parler comme un comédien, je ne te réponds pas. Un jour, j’ai raccroché au nez une personnalité qui, bien qu’imitant ma façon de parler, m’avait mis dans tous mes états. Ce n’est pas sérieux.
Donc en dehors de la scène, vous détestez qu’on vous fasse jouer de la comédie ?
Bien sûr. On doit considérer la comédie comme un métier, comme la mécanique ou la menuiserie. Je veux qu’on dissocie Tann Bombé de Abdou Lahat Ndiaye qui est ma vraie personnalité.
Où en êtes-vous avec la professionnalisation de votre statut ?
C’est vrai qu’aujourd’hui, nous avons une association. Nous sommes réunis autour de ARCOTS qui signifie Artistes comédiens du théâtre sénégalais, que nous avons monté par cellule départementale. Au niveau de Guédiawaye, je suis le metteur en scène et je partage avec les jeunes comédiens, le peu d’expérience que j’ai en les encadrant. Tout cela pour améliorer le théâtre. Mais il faut qu’on aide les comédiens à travers ARCOTS. Paradoxalement, c’est ici au Sénégal que les comédiens n’ont pas de salaire. Tout prés de chez nous au Mali, les comédiens reconnus, les plus célèbres, ont des salaires. Alors qu’au Sénégal, un comédien ne peut compter que sur ses spectacles. Sinon, il ne vit pas. C’est pire encore quand on est un père de famille.
Est-ce que vous avez des regrets en tant que comédien ?
Non je ne regrette rien parce je vis normalement. Mon statut de comédien m’a permis d’avoir beaucoup de relations et beaucoup d’amis qui m’ont soutenu comme Wagane Ndiaye qui est le coordonnateur de l’Alliance pour la République (APR) de Yeumbeul-Nord. C’est mon manager en même temps, mon ami. On s’est beaucoup donnés pour le parti de Macky Sall. J’ai parcouru toute la localité de Yeumbeul en sa compagnie. C’est moi qui avais le micro central. S’il tourne le dos à Macky Sall, je fais de même.
Quelle joie vous procure votre statut ?
«Je pouvais faire comme certains artistes qui se prennent pour des stars. Dès qu’ils commencent à se faire un nom, ils déménagent à Ouest Foire ou aux Maristes. Moi, j’ai choisi de rester à Guédiawaye parce que je tiens à représenter mon quartier»
Le coté positif dans notre statut d’artiste, c’est les gens qui nous aiment et qui nous aiment beaucoup. Mais si on n’attendait que l’Etat, on allait vivre misérablement. Nous avons nos subventions au ministère de la culture et dans les collectivités locales, mais on ne les perçoit pas. On est fiers d’être banlieusards. Moi Tann, je pouvais faire comme certains artistes qui se prennent pour des stars. S’ils commencent à se faire un nom, ils déménagent à Ouest Foire ou aux Maristes. Je reste à Guédiawaye. Ce n’est pas parce que je manque de quoi payer la location dans ces quartiers de luxe car je paye le loyer ici, mais je tiens à représenter Guédiawaye, mon quartier.
Vous faites partie des comédiens vedettes durant le mois de ramadan avec vos sketches sur Walf, comment l’avez-vous vécu ?
Bon, je remercie beaucoup les Sénégalais, parce qu’on m’appelle souvent pour me féliciter. Je donne toujours le meilleur de moi pour leur faire plaisir. Vous avez vu, cette année, on s’attendait à ce que mon père ne mange pas à l’heure de la coupure. Mais, c’est plutôt moi qui ai souffert en tant que mari de «Ma puce». C’était pour innover et faire la différence par rapport à l’année dernière. Vous savez au Sénégal, il est très facile pour un artiste d’être «has been». Facilement, les Sénégalais peuvent vous trouver dépassé. C’est pourquoi, on est obligés d’innover.
Au fait, comment se passe votre complicité avec «ma puce»
«Ma puce», c’est ma femme dans les sketches qui passait sur Walf TV, lors du ramadan et rien de plus. Mais elle m’a fait beaucoup souffrir. Vous avez remarqué comment j’ai maigri. C’est juste un rôle qu’elle a incarné.
Vos productions sur Walf TV vous ont tellement rendu célèbre qu’il se disait, à l’époque, que vous vouliez prendre la place de Sa Ndiogou. Qu’en est-il ?
(Catégorique) Non. C’est faux. Ce ne sont que des rumeurs. Je suis artiste comédien et non animateur radio et /ou télé. Ma place est sur la scène. La vérité c’est que Sa Ndiogou était en congé et je meublais son temps. Mais loin de moi, l’idée de lui piquer sa place.
Propos recueillis par FAWADE WELLE
Le Pays au Quotidien