C’est le fait des acteurs politiques : la plupart des professionnels de la chose (pouvoir et comme opposition) et une nouvelle catégorie, tout aussi politique, mais qui se drape du manteau de la « troisième voie », celle qui refuse de suivre le sillage tracé par les appareils classiques, mais qui entend jouer sa partition. C’est le mois du pardon. Pardonner ? Ils ont tous les nerfs à vif. Et c’est Me Wade qui a soufflé sur les braises…
Touba est courue. Pourquoi ? Parce que, comme l’a fait remarquer un observateur avisé, le guide des Mourides, par le resquillage protocolaire d’acteurs en quête d’absolution, est devenu une sorte de Conseil constitutionnel moral. Pourtant, le respecté Serigne Cheikh Maty Lèye, leur a plusieurs fait entrevoir que la lutte pour le pouvoir temporel dans ce pays ne l’intéressait pas. La courtoisie inclinait à recevoir un président de la République, quelle que soit la conjoncture ; en patriarche, accéder à la demande du M 23 conduit par Alioune Tine, était un nécessaire. Il les a renvoyés dos à dos, priant pour tout le monde et réitérant son appel à la paix et à la dévotion. C’est que la température monte…
Depuis la naissance du Mouvement du 23 juin, après l’irruption sur la scène du mouvement –et de l’esprit- « Y en à Marre », la classe politique paraît désemparée. La plus forte mobilisation populaire contre le président Wade n’a pas été le fait de ses opposants classiques réunis au sein de « Benno Siggil Senegal« , mais de citoyens anonymes, de Sénégalais exaspérés, de dakarois prêts à tout, jusque devant les grilles de l’Assemblée nationale, pour dire non à une nouvelle révision constitutionnelle qui devait instituer un ticket président-vice président devant gouverner désormais aux destinées du pays après l’élection de février 2012. Il y a eu des émeutes, des casses, des arrestations. Pour la première fois, depuis son palais, le vieux président entendait la rue gronder.
Ce 23 juin 2011, quelque chose de fort a été cassée entre Me Wade et les Sénégalais. Ils l’ont toujours laissé faire. « Laissez le vieux travailler », entendait-on lors de ses années de grâce. Il a souvent reculé sur des dossiers (qui se souvient de la tentative avortée de délocalisation du lycée Lamine Guèye ?) ; a parfois reconnu ses erreurs ; il a su construire des plages de convergence avec des forces sociales (la bureaucratie étatique, les marabouts, des syndicats) et des alliances politiques (construction de la Cap 21) pour asseoir son règne. Une baraka bien à propos l’a fait passer au travers de beaucoup de mailles tendues systématiquement autour des hommes de pouvoir, soit par le problème politique lui-même (naufrage du Jooola, inondations dans la banlieue dakaroise, indemnisation de la famille de Me Babacar Sèye) ou par la conjoncture économique (flambée des prix), voire certains inextricables problèmes de société (chômage des jeunes, corruption et enrichissement illicite). Toujours, depuis le 19 avril 2000, il faisait ce qu’il voulait.
Mieux ou pire, les scandales à répétition (Affaire Segura, financement du Monument de la Renaissance africaine, Fesman incongru devant la misère des populations, clash avec l’ambassadrice) et qui concernaient ou sa gouvernance, ou son entourage ou lui-même ne l’ont point mis en mauvaise posture. Il a toujours su attendre la fin des orages. La rapidité du temps ( !), la pression du quotidien, le fatalisme de ses compatriotes ont toujours joué en sa faveur. Surtout que dans une posture très magnanime, il a fait croire à beaucoup que leur statut social pouvait changer du jour au lendemain, à la notable condition toutefois que l’allégeance se fasse. La transhumance. Il entretient sa réputation d’homme « généreux ». C’est important dans notre société… Pendant dix ans, il fut un roi qui avait réussi à vassaliser –ou presque- le pays, distribuant prébendes par-ci, chicotant les récalcitrants par-là. Avec une garde prétorienne de politiques qui lui doivent tout…
Sans coup férir, il remportera haut la main (avec des accusations de fraude émanant de l’opposition) la présidentielle de 2007, puis, il y a eu le projet de dévolution dynastique du pouvoir : Karim Wade. Maintenant, ses anciens Premiers ministres Idrisssa Seck et Macky Sall ont décidé de lui faire face. Le débat sur la recevabilité de sa candidature fait rage, alors que l’on le soupçonne d’être un candidat par procuration. Il aura 86 ans lors du scrutin.
CROISONS LES DOIGTS
La principale accusation politique actuellement portée contre Me Wade est que toutes sesmanœuvres sont liées à sa volonté de mettre en selle son fils qui est devenu un PM-bis, le ministre le plus puissant du gouvernement. Même s’il a réussi à contrôler le Mouvement des jeunes du Pds –on ne le dit pas assez-, son problème, d’abord question de légitimité politique, s’est mué en un défi technocratique. On le tient pour principal responsable de la crise du secteur de l’énergie, en particulier le déficit en électricité. Les émeutes du 27 juin l’ont prouvé.
De leur côté, « Benno » est toujours englué dans le stérile débat sur la candidature unique. Pourquoi refuser l’évidence ? Une élection présidentielle est un rendez-vous capital. L’opposition s’adosse aux conclusions des « Assises nationales ». Entre les deux pôles, un bruissement indéfinissable devient peu à peu un roulement de tambour. Les animateurs du mouvement « Y en à Marre » ont décidé de ne pas se rendre à Touba en compagnie du M 23 lors de l’audience de contre-offensive après la médiatisée visite du chef de l’Etat dans la ville sainte et que le camp libéral considère comme un bonus. C’est dire que l’incompréhension est grande. La société globale est divisée.
En tout cas, c’est le président Wade qui imprime la cadence. Il a repris l’initiative. Il convoque les chefs de village, leur promet monts et merveilles ; il reçoit des militants de localités ciblées de son parti (Kaolack et Nioro), -les autres suivront- avec un objectif clairement défini de porter l’offensive vers les fiefs de l’opposition. Idem pour les parlementaires libéraux. Il essaie de remobiliser tant bien que mal, mais la dernière audience qu’il a accordée aux jeunes de l’Ujtl lui rappelle que son parti est bien particulier. Certes, son « Ma wokhon wakhett » a jeté un froid dans le pays –malgré la canicule- et dévoilé une contre-valeur, mais on le sent prêt à tout. Quand il dit : « je respecterai le verdict du Conseil constitutionnel », cela veut tout simplement dire, dans son entendement, qu’il a également les moyens de ne pas le faire.
L’Onu s’inquiète de la dégradation du dialogue politique au Sénégal à six mois de la présidentielle. Les Français, eux, ne savent en réalité pas à quel saint se vouer. La visibilité est nulle et seule la sagesse et un sursaut de lucidité des acteurs (au premier chef le maître du jeu) pourraient nous faire sortir de la tempête tropicale qui s’annonce. Croisons les doigts.
Nettali.net
Touba est courue. Pourquoi ? Parce que, comme l’a fait remarquer un observateur avisé, le guide des Mourides, par le resquillage protocolaire d’acteurs en quête d’absolution, est devenu une sorte de Conseil constitutionnel moral. Pourtant, le respecté Serigne Cheikh Maty Lèye, leur a plusieurs fait entrevoir que la lutte pour le pouvoir temporel dans ce pays ne l’intéressait pas. La courtoisie inclinait à recevoir un président de la République, quelle que soit la conjoncture ; en patriarche, accéder à la demande du M 23 conduit par Alioune Tine, était un nécessaire. Il les a renvoyés dos à dos, priant pour tout le monde et réitérant son appel à la paix et à la dévotion. C’est que la température monte…
Depuis la naissance du Mouvement du 23 juin, après l’irruption sur la scène du mouvement –et de l’esprit- « Y en à Marre », la classe politique paraît désemparée. La plus forte mobilisation populaire contre le président Wade n’a pas été le fait de ses opposants classiques réunis au sein de « Benno Siggil Senegal« , mais de citoyens anonymes, de Sénégalais exaspérés, de dakarois prêts à tout, jusque devant les grilles de l’Assemblée nationale, pour dire non à une nouvelle révision constitutionnelle qui devait instituer un ticket président-vice président devant gouverner désormais aux destinées du pays après l’élection de février 2012. Il y a eu des émeutes, des casses, des arrestations. Pour la première fois, depuis son palais, le vieux président entendait la rue gronder.
Ce 23 juin 2011, quelque chose de fort a été cassée entre Me Wade et les Sénégalais. Ils l’ont toujours laissé faire. « Laissez le vieux travailler », entendait-on lors de ses années de grâce. Il a souvent reculé sur des dossiers (qui se souvient de la tentative avortée de délocalisation du lycée Lamine Guèye ?) ; a parfois reconnu ses erreurs ; il a su construire des plages de convergence avec des forces sociales (la bureaucratie étatique, les marabouts, des syndicats) et des alliances politiques (construction de la Cap 21) pour asseoir son règne. Une baraka bien à propos l’a fait passer au travers de beaucoup de mailles tendues systématiquement autour des hommes de pouvoir, soit par le problème politique lui-même (naufrage du Jooola, inondations dans la banlieue dakaroise, indemnisation de la famille de Me Babacar Sèye) ou par la conjoncture économique (flambée des prix), voire certains inextricables problèmes de société (chômage des jeunes, corruption et enrichissement illicite). Toujours, depuis le 19 avril 2000, il faisait ce qu’il voulait.
Mieux ou pire, les scandales à répétition (Affaire Segura, financement du Monument de la Renaissance africaine, Fesman incongru devant la misère des populations, clash avec l’ambassadrice) et qui concernaient ou sa gouvernance, ou son entourage ou lui-même ne l’ont point mis en mauvaise posture. Il a toujours su attendre la fin des orages. La rapidité du temps ( !), la pression du quotidien, le fatalisme de ses compatriotes ont toujours joué en sa faveur. Surtout que dans une posture très magnanime, il a fait croire à beaucoup que leur statut social pouvait changer du jour au lendemain, à la notable condition toutefois que l’allégeance se fasse. La transhumance. Il entretient sa réputation d’homme « généreux ». C’est important dans notre société… Pendant dix ans, il fut un roi qui avait réussi à vassaliser –ou presque- le pays, distribuant prébendes par-ci, chicotant les récalcitrants par-là. Avec une garde prétorienne de politiques qui lui doivent tout…
Sans coup férir, il remportera haut la main (avec des accusations de fraude émanant de l’opposition) la présidentielle de 2007, puis, il y a eu le projet de dévolution dynastique du pouvoir : Karim Wade. Maintenant, ses anciens Premiers ministres Idrisssa Seck et Macky Sall ont décidé de lui faire face. Le débat sur la recevabilité de sa candidature fait rage, alors que l’on le soupçonne d’être un candidat par procuration. Il aura 86 ans lors du scrutin.
CROISONS LES DOIGTS
La principale accusation politique actuellement portée contre Me Wade est que toutes sesmanœuvres sont liées à sa volonté de mettre en selle son fils qui est devenu un PM-bis, le ministre le plus puissant du gouvernement. Même s’il a réussi à contrôler le Mouvement des jeunes du Pds –on ne le dit pas assez-, son problème, d’abord question de légitimité politique, s’est mué en un défi technocratique. On le tient pour principal responsable de la crise du secteur de l’énergie, en particulier le déficit en électricité. Les émeutes du 27 juin l’ont prouvé.
De leur côté, « Benno » est toujours englué dans le stérile débat sur la candidature unique. Pourquoi refuser l’évidence ? Une élection présidentielle est un rendez-vous capital. L’opposition s’adosse aux conclusions des « Assises nationales ». Entre les deux pôles, un bruissement indéfinissable devient peu à peu un roulement de tambour. Les animateurs du mouvement « Y en à Marre » ont décidé de ne pas se rendre à Touba en compagnie du M 23 lors de l’audience de contre-offensive après la médiatisée visite du chef de l’Etat dans la ville sainte et que le camp libéral considère comme un bonus. C’est dire que l’incompréhension est grande. La société globale est divisée.
En tout cas, c’est le président Wade qui imprime la cadence. Il a repris l’initiative. Il convoque les chefs de village, leur promet monts et merveilles ; il reçoit des militants de localités ciblées de son parti (Kaolack et Nioro), -les autres suivront- avec un objectif clairement défini de porter l’offensive vers les fiefs de l’opposition. Idem pour les parlementaires libéraux. Il essaie de remobiliser tant bien que mal, mais la dernière audience qu’il a accordée aux jeunes de l’Ujtl lui rappelle que son parti est bien particulier. Certes, son « Ma wokhon wakhett » a jeté un froid dans le pays –malgré la canicule- et dévoilé une contre-valeur, mais on le sent prêt à tout. Quand il dit : « je respecterai le verdict du Conseil constitutionnel », cela veut tout simplement dire, dans son entendement, qu’il a également les moyens de ne pas le faire.
L’Onu s’inquiète de la dégradation du dialogue politique au Sénégal à six mois de la présidentielle. Les Français, eux, ne savent en réalité pas à quel saint se vouer. La visibilité est nulle et seule la sagesse et un sursaut de lucidité des acteurs (au premier chef le maître du jeu) pourraient nous faire sortir de la tempête tropicale qui s’annonce. Croisons les doigts.
Nettali.net