Alioune Tine (62 ans), professeur de Lettres modernes au visage rond et sympathique, est un monsieur charmant, un universitaire à la retraite anticipée et une figure emblématique de la société civile sénégalaise, à la confidentialité bavarde. Le président de la Radhho est également un prodige de la liberté. Jusque-là, le ciel l’avait doté d’une âme passionnée pour la défense des droits de l’homme. D’une éloquence médiocre mais alerte, cet homme d’humeur accueillante et facile a changé depuis le 23 juin dernier. Il ne touche plus terre. Comme si le « Grand Célibataire des Mondes » venait de l’appeler à ses côtés, il habite si haut au-dessus de sa propre personne, devient ivre de lui-même. Certes Alioune Tine est un patriote, mais il y en a de plus patriotes encore : ceux, par exemple, qui le sont et ne s’en vantent point. Ceux-ci sont les compagnons d’un silence éloquent et les auteurs d’une prise de parole éclairée par la responsabilité et l’élégance républicaines. Ils ne sont ni les échotiers de la démesure, ni les otages de leur propre quête d’héroïsme, encore moins de la complaisance.
Ces modèles de dévotion républicaine sont les héritiers de l’histoire du Sénégal et les gardiens d’un avenir à écrire à l’encre d’une espérance peu portée vers le chant des rafales sur l’édifice démocratique. Depuis quelque temps, la voie droite de ces patriotes se sépare du chemin oblique des chantres des décombres. Troquant la craie et la fréquentation devenue routinière des amphis pour les tribunes de l’indignation face aux « laideurs » du monde, Alioune Tine parcourt l’Afrique, les Etats-Unis et l’Europe pour propager une idéologie belliciste contre un troisième mandat de Me Abdoulaye Wade, lance un ultimatum au Chef de l’Etat, embouche une trompette guerrière dans les médias et développe, de plus en plus, une tendance à se donner en spectacle. Dans son discours ultra rodé et archi schématisé, il aime à comparer le Président du Conseil Constitutionnel sénégalais, Cheikh Tidiane Diakhaté, à son ancien homologue ivoirien Paul Yao Ndré. Il aime, également, à confondre l’ancien Président nigérien, Mamadou Tandja, à Abdoulaye Wade. Il aime, enfin, comparer le Sénégal à la Tunisie et à l’Egypte.
La vulgarité de son raisonnement est parfois choquante. Par temps de paix ou de périodiques convulsions d’une démocratie en gésine, il s’invente un chaos qui nourrit ses envies de gloire. Il porte la démesure, telle la médaille d’un héroïsme nouveau, au niveau duquel l’a hissé une faute protocolaire d’une Opposition fébrile qui éprouve beaucoup de mal à se trouver une figure emblématique. Taisez-vous, la démocratie a le visage du dernier invité politique au livre de l’histoire des revendications populaires. Le peuple lui doit le perdiem de la reconnaissance.
Ainsi soit… Tine !
Puisqu’il accepte d’entendre la vérité, alors, on va la dire, afin qu’il cesse de coller des labels désobligeants aux uns et aux autres.
Sur Paul Yao Ndré. Professeur de Droit, ami et fidèle du couple Gbagbo, président du Conseil Constitutionnel, Ministre de l’Intérieur de Laurent Gbagbo, député du Front Populaire Ivoirien (Fpi) de Hiré, puis Président du Conseil régional de Divo sous la bannière du parti de Gbabgo : la partialité confrérique, la proximité politique et la loyauté clanique ne se discutent. Où réside donc la ressemblance avec le magistrat Cheikh Tidiane Diakhaté ?
Sur Mamadou Tandja. L’élection présidentielle devait avoir lieu en octobre 2009, sans que Tandja puisse concourir de nouveau, la Constitution limitant explicitement à deux le nombre de mandat. En juin 2009, il entame une modification de la Constitution vers un régime présidentiel, avec une extension exceptionnelle de 3 ans supplémentaires pour, dit-il, « achever les chantiers entrepris » , sans passer par une nouvelle élection présidentielle. Face au refus de la Cour Constitutionnelle et de l’Assemblée nationale de signer ce « bail gratuit », Tandja dissout le Parlement, concentre entre ses mains le pouvoir législatif et gouverne par décret. Le 4 août 2009, il organise un référendum pour entériner cette modification, tel un « braconnier de la Constitution ». En début 2010, un groupe de mutins le renverse. Me Abdoulaye Wade dit tout le contraire : « Je suis bel et bien candidat. Si le Conseil Constitutionnel rejette ma candidature, je me retirerai». Où réside donc la ressemblance avec Mamadou Tandja ?
Sur la Tunisie et l’Egypte. Avec une mauvaise foi établie, il compare, à chaque sortie médiatique, le Sénégal à ces deux pays. La comparaison entre le démocrate Wade et les autocrates Ben Ali et Hosni Moubarack ne rajoute pas au crédit de militant flamboyant des droits de l’homme. Il ne peut confondre les Tunisiens et Egyptiens d’avec les Sénégalais ; Wade aurait tenu une illustration saisissante pour valoriser les droits et liberté des Sénégalais. «Au temps de la toute puissance de Moubarack, l’Egyptien n’ouvrait la bouche que devant le dentiste. Alors que le Sénégalais ne ferme la bouche que devant le sommeil». Du temps de la splendeur dictatoriale de Moubarack et de Ben Ali, Monsieur Tine n’aurait jamais existé.
En résumé, Tine-le-bien-connu a recruté des outils et instruments inadéquats pour son argumentaire, en oubliant de faire aux Sénégalais le crédit de la lucidité. Telles sont les limites et contraintes d’un discours d’une platitude effrayante même dans le camp de l’opposition.
Alioune Tine est d’une hypocrisie considérable à propos de l’Afrique libre et indépendante. Il vilipende son pays aux Etats-Unis et en Europe ; cette démarche prête à sourire. Aller discuter de la candidature de Wade à l’Elysée au moment où Sarkozy, malmené dans les sondages, ne sait pas s’il sera candidat en 2012, est une tragique faute de goût. C’est Alain Juppé, le candidat en embuscade - il rêve de l’Elysée, les yeux ouverts - qui doit en rire… Aller discuter également de la candidature de Wade au Pays de Barack Obama, c’est parler de corde dans la famille d’un pendu. C’est le cas typique d’une fausse bonne idée.
Obama est incapable d’attacher, à son nom, une grande cause. C’est un top-model de la démocratie américaine, un fanatique du mot juste, un amoureux de la belle tournure. Obama a du sang africain mais il n’a aucune pulsion pour l’Afrique. Avez-vous déjà vu un Arabe ou un Asiatique salir son pays à l’étranger ? L’Africain n’aime pas l’Africain. Nous touchons là le drame de l’Afrique …
Frappé d’un déficit de «neutralité axiologique» au sens weberien, il a un conflit avec lui-même. Ne sachant pas s’il lui faut être « savant ou politique », Tine se veut ombre, lumière et pouvoir. Aujourd’hui, il joue à se faire peur, en lançant un ultimatum à un Chef d’Etat. Il s’emmêle les théories dans le propre paradoxe qui l’habite : produit d’un système démocratique qui le laisse gouverner, sans la légitimité y afférente, une bonne part de l’espace public, il flétrit, avant l’heure, la crédibilité des dépositaires de la légalité constitutionnelle. Ce paradoxe est son fardeau que les effets d’amplification de ses cris ne couvrent pas. Tine, en un mot, c’est la fausse alerte permanente.
Ps. J’ai discuté avec Alioune Tine pour la dernière fois en 2009. A la plage, j’étais avec mes compagnons de pensée que sont les livres. Lui était avec son épouse qui attendait un événement heureux. Il entretenait une barbe poivre-sel et avait magnifiquement bien vieilli. Déjà, nous discutions d’un probable troisième mandat de Wade. Il semblait l’écarter. Tine est constant dans sa démarche, mais il n’est pas consistant dans le fond.
CHEIKH DIALLO
PiccMi.Com - La Rédaction
Ces modèles de dévotion républicaine sont les héritiers de l’histoire du Sénégal et les gardiens d’un avenir à écrire à l’encre d’une espérance peu portée vers le chant des rafales sur l’édifice démocratique. Depuis quelque temps, la voie droite de ces patriotes se sépare du chemin oblique des chantres des décombres. Troquant la craie et la fréquentation devenue routinière des amphis pour les tribunes de l’indignation face aux « laideurs » du monde, Alioune Tine parcourt l’Afrique, les Etats-Unis et l’Europe pour propager une idéologie belliciste contre un troisième mandat de Me Abdoulaye Wade, lance un ultimatum au Chef de l’Etat, embouche une trompette guerrière dans les médias et développe, de plus en plus, une tendance à se donner en spectacle. Dans son discours ultra rodé et archi schématisé, il aime à comparer le Président du Conseil Constitutionnel sénégalais, Cheikh Tidiane Diakhaté, à son ancien homologue ivoirien Paul Yao Ndré. Il aime, également, à confondre l’ancien Président nigérien, Mamadou Tandja, à Abdoulaye Wade. Il aime, enfin, comparer le Sénégal à la Tunisie et à l’Egypte.
La vulgarité de son raisonnement est parfois choquante. Par temps de paix ou de périodiques convulsions d’une démocratie en gésine, il s’invente un chaos qui nourrit ses envies de gloire. Il porte la démesure, telle la médaille d’un héroïsme nouveau, au niveau duquel l’a hissé une faute protocolaire d’une Opposition fébrile qui éprouve beaucoup de mal à se trouver une figure emblématique. Taisez-vous, la démocratie a le visage du dernier invité politique au livre de l’histoire des revendications populaires. Le peuple lui doit le perdiem de la reconnaissance.
Ainsi soit… Tine !
Puisqu’il accepte d’entendre la vérité, alors, on va la dire, afin qu’il cesse de coller des labels désobligeants aux uns et aux autres.
Sur Paul Yao Ndré. Professeur de Droit, ami et fidèle du couple Gbagbo, président du Conseil Constitutionnel, Ministre de l’Intérieur de Laurent Gbagbo, député du Front Populaire Ivoirien (Fpi) de Hiré, puis Président du Conseil régional de Divo sous la bannière du parti de Gbabgo : la partialité confrérique, la proximité politique et la loyauté clanique ne se discutent. Où réside donc la ressemblance avec le magistrat Cheikh Tidiane Diakhaté ?
Sur Mamadou Tandja. L’élection présidentielle devait avoir lieu en octobre 2009, sans que Tandja puisse concourir de nouveau, la Constitution limitant explicitement à deux le nombre de mandat. En juin 2009, il entame une modification de la Constitution vers un régime présidentiel, avec une extension exceptionnelle de 3 ans supplémentaires pour, dit-il, « achever les chantiers entrepris » , sans passer par une nouvelle élection présidentielle. Face au refus de la Cour Constitutionnelle et de l’Assemblée nationale de signer ce « bail gratuit », Tandja dissout le Parlement, concentre entre ses mains le pouvoir législatif et gouverne par décret. Le 4 août 2009, il organise un référendum pour entériner cette modification, tel un « braconnier de la Constitution ». En début 2010, un groupe de mutins le renverse. Me Abdoulaye Wade dit tout le contraire : « Je suis bel et bien candidat. Si le Conseil Constitutionnel rejette ma candidature, je me retirerai». Où réside donc la ressemblance avec Mamadou Tandja ?
Sur la Tunisie et l’Egypte. Avec une mauvaise foi établie, il compare, à chaque sortie médiatique, le Sénégal à ces deux pays. La comparaison entre le démocrate Wade et les autocrates Ben Ali et Hosni Moubarack ne rajoute pas au crédit de militant flamboyant des droits de l’homme. Il ne peut confondre les Tunisiens et Egyptiens d’avec les Sénégalais ; Wade aurait tenu une illustration saisissante pour valoriser les droits et liberté des Sénégalais. «Au temps de la toute puissance de Moubarack, l’Egyptien n’ouvrait la bouche que devant le dentiste. Alors que le Sénégalais ne ferme la bouche que devant le sommeil». Du temps de la splendeur dictatoriale de Moubarack et de Ben Ali, Monsieur Tine n’aurait jamais existé.
En résumé, Tine-le-bien-connu a recruté des outils et instruments inadéquats pour son argumentaire, en oubliant de faire aux Sénégalais le crédit de la lucidité. Telles sont les limites et contraintes d’un discours d’une platitude effrayante même dans le camp de l’opposition.
Alioune Tine est d’une hypocrisie considérable à propos de l’Afrique libre et indépendante. Il vilipende son pays aux Etats-Unis et en Europe ; cette démarche prête à sourire. Aller discuter de la candidature de Wade à l’Elysée au moment où Sarkozy, malmené dans les sondages, ne sait pas s’il sera candidat en 2012, est une tragique faute de goût. C’est Alain Juppé, le candidat en embuscade - il rêve de l’Elysée, les yeux ouverts - qui doit en rire… Aller discuter également de la candidature de Wade au Pays de Barack Obama, c’est parler de corde dans la famille d’un pendu. C’est le cas typique d’une fausse bonne idée.
Obama est incapable d’attacher, à son nom, une grande cause. C’est un top-model de la démocratie américaine, un fanatique du mot juste, un amoureux de la belle tournure. Obama a du sang africain mais il n’a aucune pulsion pour l’Afrique. Avez-vous déjà vu un Arabe ou un Asiatique salir son pays à l’étranger ? L’Africain n’aime pas l’Africain. Nous touchons là le drame de l’Afrique …
Frappé d’un déficit de «neutralité axiologique» au sens weberien, il a un conflit avec lui-même. Ne sachant pas s’il lui faut être « savant ou politique », Tine se veut ombre, lumière et pouvoir. Aujourd’hui, il joue à se faire peur, en lançant un ultimatum à un Chef d’Etat. Il s’emmêle les théories dans le propre paradoxe qui l’habite : produit d’un système démocratique qui le laisse gouverner, sans la légitimité y afférente, une bonne part de l’espace public, il flétrit, avant l’heure, la crédibilité des dépositaires de la légalité constitutionnelle. Ce paradoxe est son fardeau que les effets d’amplification de ses cris ne couvrent pas. Tine, en un mot, c’est la fausse alerte permanente.
Ps. J’ai discuté avec Alioune Tine pour la dernière fois en 2009. A la plage, j’étais avec mes compagnons de pensée que sont les livres. Lui était avec son épouse qui attendait un événement heureux. Il entretenait une barbe poivre-sel et avait magnifiquement bien vieilli. Déjà, nous discutions d’un probable troisième mandat de Wade. Il semblait l’écarter. Tine est constant dans sa démarche, mais il n’est pas consistant dans le fond.
CHEIKH DIALLO
PiccMi.Com - La Rédaction