Ces eaux nauséabondes prises d’assaut par les populations de Médina Gounass, brassards rouges au bras, pour dire leur colère à l’autorité suprême qui n’a pas tardé sur les lieux. Non plus, le Président Wade n’a fait aucune déclaration à l’issue de cette visite-éclair. C’est le silence face à l’ampleur du calvaire de ces populations qui ressentent plus «la main de Dieu» que les effets du Plan Orsec.
ImageLes inondations, surtout en zones d’habitations très avancées, ont une plus grande visibilité du fait de leur caractère spectaculaire. A l’intérieur du pays, comme en banlieue dakaroise, le décor est toujours patibulaire. Tout un peuple inondé s’active, les habitudes sont trahies par un liquide devenu agaçant. Les mines sont renfrognées, la colère ensevelie en attendant…. la grâce rendue au Ciel.
Dans les zones de Pikine, Thiaroye, Dalifort, Diamaguène-Sicap Mbao et même une partie des logements de Jaxaay à Keur Massar, le quotidien des habitants se résume donc à l’évacuation des eaux et à la recherche de toits provisoires avec une bonne dose de fatalité. En guise de défense, qui n’a rien à voir avec le Plan Orsec, invisible dans ces lieux, remparts de fortune et protections artisanales sont les seules armes devant la menace de l’eau. Entre système D, comme débrouille et ras-le-bol, les habitants s’adaptent encore. Mais jusqu’à quand, S’interroge-t-on.
Dans la commune de Diamaguène-Sicap Mbao, c’est la catastrophe. En dehors des eaux, qui ont fini de confisquer les différentes artères, les conditions difficiles de vie dans les maisons présentent un tableau beaucoup plus sinistre. Un vrai drame humain. Et gare aux âmes sensibles qui tenteraient de découvrir ces mères et pères de famille regroupés dans leur antre et complètement coupés… du monde. Pour le vieux Mamadou Guèye, qui a bien voulu narrer son sort (Voir ailleurs) à travers un témoignage pathétique, la vie s’est arrêtée depuis le début des inondations en 2001. La soixantaine révolue, mine joviale malgré le triste décor de sa maison «enterrée» dans le piteux quartier d’Hamdalaye IV, M. Guèye se demande encore s’il y a des autorités dans «(son) cher Sénégal».
Pourtant, le Premier ministre, bien emmitouflé dans son costard de Singapour, est passé samedi dernier dans sa zone, lui souligne-t-on. «Sur la route», s’exclame Mamadou Guèye avant d’en rire et de préciser dans la foulée : «Figurez-vous qu’il n’a même pas daigné mettre ses pieds dans nos maisons, là où se trouve le véritable calvaire.» Ne lui parlez surtout pas du plan Orsec ! «C’est quoi déjà», s’est-il contenté de répondre. Dans un phrasé parfois très ironique, il assure, en compagnie de ses amis du quartier, avoir acheté une moto pompe qui leur sert de relaie pour bouter les eaux hors des demeures. Mais, c’est peine perdue, parce qu’ils savent qu’ils sont obligés de «fricoter» avec les eaux pour encore quelques temps.
A Pikine Dalifort, c’est un Dakar encore plus poignant qui se présente aux visiteurs. Là, c’est tout simplement miteux. Dans le quartier de Darou Salam, c’est une localité hantée par les eaux. Encore elles. Les habitants se massent dehors laissant leurs maisons crevées seules sans assistance. D’aucuns préfèrent courber l’échine et s’en remettre à Dieu. D’autres qui refusent d’abdiquer, munis d’un arsenal rudimentaire essayent de faire face à cet envahisseur. Ils évacuent les eaux nuit et jour et s’interdisent de se payer un moment de repos. «Jamais ! Sinon l’eau sera à un niveau où, il me sera impossible de la combattre», explique Moustapha Mbow. Lui, il a délogé sa progéniture «qui commençait à ressentir les stigmates du voisinage entre les eaux et certains germes faucheurs» pour mieux prendre le taureau par les cornes.
Cet homme, dont le mérite est chanté par tout Darou Salam, s’est voulu, en effet, protecteur. En plus d’avoir mobilisé la presse pour l’imprégner des difficultés auxquelles ils sont confrontés, il a même fait parler certains sinistrés. Et contrairement au Premier ministre Hadjibou Soumaré et ses 300 millions de francs, Moustapha Mbow a pataugé dans les maisons embourbées suivis d’une bonne partie de ses voisins et exhibant le calvaire de ces derniers. Toujours dans ce quartier, il a guidé les pas de pisse-copies jusque dans des maisons en finition qu’il a mises à disposition d’une dizaine de famille. C’est le moment choisi par certains visiteurs, pour verser de chaudes larmes. Ces gens sont de vraies loques humaines. Ils sous-vivent. Ils sont fatigués. Bref, ils sont… morts.
Regroupés dans des chambres où seul un matelas fin remplit le décor, ils gisent dans des conditions terribles. A l’image de cet homme qui a vécu 54 hivernages, père de quatre gosses et veuf. Visiblement éreinté par les récents évènements qu’il a vécus, il peine même à rendre sa voie audible. Il a perdu sa maison, parachuté dans une autre en construction, sans compter avec une fille épileptique qui l’«empêche de sortir» et un enfant de deux ans «toujours dans (ses) bras». L’homme est d’ailleurs en «étroite surveillance» de peur qu’il perde les boules. Parce que dans ces conditions qui ne sont pas du tout évidentes, il est plus facile de devenir fou que d’être secouru par des âmes charitables.
Par Aly FALL et Bocar Sakho / LE QUOTIDIEN
ImageLes inondations, surtout en zones d’habitations très avancées, ont une plus grande visibilité du fait de leur caractère spectaculaire. A l’intérieur du pays, comme en banlieue dakaroise, le décor est toujours patibulaire. Tout un peuple inondé s’active, les habitudes sont trahies par un liquide devenu agaçant. Les mines sont renfrognées, la colère ensevelie en attendant…. la grâce rendue au Ciel.
Dans les zones de Pikine, Thiaroye, Dalifort, Diamaguène-Sicap Mbao et même une partie des logements de Jaxaay à Keur Massar, le quotidien des habitants se résume donc à l’évacuation des eaux et à la recherche de toits provisoires avec une bonne dose de fatalité. En guise de défense, qui n’a rien à voir avec le Plan Orsec, invisible dans ces lieux, remparts de fortune et protections artisanales sont les seules armes devant la menace de l’eau. Entre système D, comme débrouille et ras-le-bol, les habitants s’adaptent encore. Mais jusqu’à quand, S’interroge-t-on.
Dans la commune de Diamaguène-Sicap Mbao, c’est la catastrophe. En dehors des eaux, qui ont fini de confisquer les différentes artères, les conditions difficiles de vie dans les maisons présentent un tableau beaucoup plus sinistre. Un vrai drame humain. Et gare aux âmes sensibles qui tenteraient de découvrir ces mères et pères de famille regroupés dans leur antre et complètement coupés… du monde. Pour le vieux Mamadou Guèye, qui a bien voulu narrer son sort (Voir ailleurs) à travers un témoignage pathétique, la vie s’est arrêtée depuis le début des inondations en 2001. La soixantaine révolue, mine joviale malgré le triste décor de sa maison «enterrée» dans le piteux quartier d’Hamdalaye IV, M. Guèye se demande encore s’il y a des autorités dans «(son) cher Sénégal».
Pourtant, le Premier ministre, bien emmitouflé dans son costard de Singapour, est passé samedi dernier dans sa zone, lui souligne-t-on. «Sur la route», s’exclame Mamadou Guèye avant d’en rire et de préciser dans la foulée : «Figurez-vous qu’il n’a même pas daigné mettre ses pieds dans nos maisons, là où se trouve le véritable calvaire.» Ne lui parlez surtout pas du plan Orsec ! «C’est quoi déjà», s’est-il contenté de répondre. Dans un phrasé parfois très ironique, il assure, en compagnie de ses amis du quartier, avoir acheté une moto pompe qui leur sert de relaie pour bouter les eaux hors des demeures. Mais, c’est peine perdue, parce qu’ils savent qu’ils sont obligés de «fricoter» avec les eaux pour encore quelques temps.
A Pikine Dalifort, c’est un Dakar encore plus poignant qui se présente aux visiteurs. Là, c’est tout simplement miteux. Dans le quartier de Darou Salam, c’est une localité hantée par les eaux. Encore elles. Les habitants se massent dehors laissant leurs maisons crevées seules sans assistance. D’aucuns préfèrent courber l’échine et s’en remettre à Dieu. D’autres qui refusent d’abdiquer, munis d’un arsenal rudimentaire essayent de faire face à cet envahisseur. Ils évacuent les eaux nuit et jour et s’interdisent de se payer un moment de repos. «Jamais ! Sinon l’eau sera à un niveau où, il me sera impossible de la combattre», explique Moustapha Mbow. Lui, il a délogé sa progéniture «qui commençait à ressentir les stigmates du voisinage entre les eaux et certains germes faucheurs» pour mieux prendre le taureau par les cornes.
Cet homme, dont le mérite est chanté par tout Darou Salam, s’est voulu, en effet, protecteur. En plus d’avoir mobilisé la presse pour l’imprégner des difficultés auxquelles ils sont confrontés, il a même fait parler certains sinistrés. Et contrairement au Premier ministre Hadjibou Soumaré et ses 300 millions de francs, Moustapha Mbow a pataugé dans les maisons embourbées suivis d’une bonne partie de ses voisins et exhibant le calvaire de ces derniers. Toujours dans ce quartier, il a guidé les pas de pisse-copies jusque dans des maisons en finition qu’il a mises à disposition d’une dizaine de famille. C’est le moment choisi par certains visiteurs, pour verser de chaudes larmes. Ces gens sont de vraies loques humaines. Ils sous-vivent. Ils sont fatigués. Bref, ils sont… morts.
Regroupés dans des chambres où seul un matelas fin remplit le décor, ils gisent dans des conditions terribles. A l’image de cet homme qui a vécu 54 hivernages, père de quatre gosses et veuf. Visiblement éreinté par les récents évènements qu’il a vécus, il peine même à rendre sa voie audible. Il a perdu sa maison, parachuté dans une autre en construction, sans compter avec une fille épileptique qui l’«empêche de sortir» et un enfant de deux ans «toujours dans (ses) bras». L’homme est d’ailleurs en «étroite surveillance» de peur qu’il perde les boules. Parce que dans ces conditions qui ne sont pas du tout évidentes, il est plus facile de devenir fou que d’être secouru par des âmes charitables.
Par Aly FALL et Bocar Sakho / LE QUOTIDIEN