Le fait marquant de ces deux sommets, est qu’ils semblent tous les deux s’inscrire dans une logique de rupture si l’on s’en réfère aux déclarations issues de leurs plus hautes instances.
Toutefois au niveau de la CEDEAO, on semble être dans une position d’introspection à demi-mots. La déclaration du Président sénégalais Bassirou Diomaye Faye est on ne peut plus claire là-dessus.
La CEDEAO est appelée « à travailler à se débarrasser des clichés et stéréotypes qui la réduisent à la posture d’une organisation soumise aux influences de puissances extérieures et distantes populations qu’elle a la responsabilité historique de servir, conformément à son acte constitutif ». Ce point de vue tranché du Président sénégalais sonne comme un aveu sur la mauvaise perception que les africains de l’Ouest, notamment ceux des trois pays dissidents de l’AES, ont de la CEDEAO.
Il n’empêche que la CEDEAO malgré tout, reste sur la ligne de la radicalité à peine voilée en menaçant de « donner coup pour coût » sur toutes les positions affichées la veille par les pays de la Confédération des pays de l’AES. A ce jeu, il est vrai, les perspectives de solution que semblaient faire miroiter les récentes initiatives officieuses s’éloignent. Ce qui apparait comme l’issue la plus probable, est une sorte de « bilatéralisme multipolaire ». Dans un tel cas de figure, la CEDEAO va coexister avec l’AES dans la sous-région, et les relations bilatérales entre les pays voisins, membres des deux entités, continuent de fonctionner selon leurs intérêts réciproques. Pour donner finalement quelle carte diplomatique ?
Ce qui est constant est que la CEDEAO, en nommant les Présidents Bassirou Diomaye Faye du Sénégal et Faure Gnassingbé pour mener une « ultime » médiation, semble différer l’échéance de la rupture et les conséquences qui en découleraient.
Le communiqué sorti à l’issue de la conférence des chefs d’états indique de ce point de vue, qu’elle entend se donner une seconde chance, sans cependant renoncer « Au titre de la Démocratie et de la bonne gouvernance, à son engagement indéfectible en faveur de la bonne gouvernance et de l'ordre constitutionnel. Autrement dit, et diplomatiquement parlant, elle maintient son exigence du retour à l’ordre institutionnel pour les pays de l’AES.
D’ailleurs c’est ce qu’il faudrait comprendre à travers la décision du sommet instruisant le président de la Commission Umar Alieu Touray, de faciliter une approche plus vigoureuse conformément aux décisions du Sommet Extraordinaire du 24 février 2024, et d'élaborer en même temps « un plan d'urgence prospectif ( ) pour faire face à toutes les éventualités dans les relations avec les pays de l'AES, en tenant compte des exigences de l'article 91 du Traité révisé de la CEDEAO de 1993.
Au total, la référence aux décisions du sommet de février 2024, ni signifie ne plus ni moins que la levée des sanctions contre le Niger, le Mali et le Burkina Faso et la poursuite de la convocation de ces trois états aux instances de la CEDEAO, car comme stipulé à l’art 91, leur retrait, décidé le 28 janvier 2024 n’entre en vigueur qu’un an après sa notification à la commission de la CEDEAO. Cette échéance n’est pas encore arrivée.
La CEDEAO se prépare donc à toute éventualité, non sans rappeler aux état de la confédération de l’AES les conséquences multiples du retrait, au plan économique et commerciale, sécuritaire, mais aussi et surtout en ce qui concerne les avantages liés à l’appartenance à une organisation intégrée de cette envergure pour ses membres.
En langage diplomatique, la CEDEAO ne semble pas bouger d’un iota sur ses positions initiales.
Sur quoi devrait donc porter la médiation des deux présidents Faure et Bassirou Diomaye, au regard du lourd passif qui a failli nous faire frôler le pire : la guerre ?
Convoquer l’histoire du processus de la construction de nos différents ensembles en Afrique de l’Ouest, et des efforts immenses consentis par les pères fondateurs au nom des peuples qui transcendent les frontières peut aider à faire baisser la tension, même s’il faut le reconnaitre, la CEDEAO a fait fausse route en voulant user de la force contre des états membres souverain.
L’éventualité d’un blocage économique majeur, qui porterait un lourd préjudice aux populations, jusque-là durement éprouvées, mais aussi les enjeux sécuritaires au Sahel et dans le golfe de Guinée, sont autant de raisons qui justifient l’entame de négociation avec comme préalable le gel des processus de séparation entre les deux entités.
Faure Gnassingbé et Bassirou Diomaye ont-ils aujourd’hui des chances de succès ? Intrinsèquement, rien ne l’exclut. Faure Gnassingbé est, depuis le début de cette crise, quasiment à mi-distance entre les deux positions extrêmes, et Bassirou Diomaye auréolé de sa victoire au premier tour sur Macky Sall (qui avec Alassane Ouattara avait porté le projet pour l’usage de la force contre l’AES) ouvre une nouvelle ère avec ses options souverainistes affichées.
Le temps leur est compté, surtout qu’entretemps la situation s’envenime entre le Niger membre de l’AES et le Bénin.
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Source : https://www.lejecos.com/Afrique-de-l-Ouest-CEDEAO-...