Le journal Libération publie mercredi le récit de sa correspondante à Dakar, Marie-Laure Josselin, qui décrit "la présence des quatre membres de la cellule antipiratage de Canal+ au Sénégal", dans les faubourgs de Dakar. La journaliste raconte : "Ils ne portent pas de tenue de rangers, sont calmes et discutent avec les habitants pour expliquer qu’ils ne font que leur travail : démanteler les réseaux clandestins". Ils passent dans les quartiers et alertent les autorités locales lorsqu'ils doivent procéder à un démantellement. Eux se contentent de saisir le matériel et de porter plainte contre les trafiquants, dont les plus gros arrivent souvent à ne pas être inquiétés bien longtemps et à remonter leur affaire en quelques jours. La corruption, sans doute.
Libération oublie juste un tout petit détail de rien du tout dans son récit : le prix des abonnements pratiqués par Canal+ au Sénégal via sa filiale Canal Horizons. Il faut compter 19.000 Francs CFA (19 euros) pour un abonnement de base, dans un pays où le salaire moyen est de... 40.000 Francs CFA (61 euros). Dit autrement, s'abonner à Canal Horizons coûte environ 30 % du salaire moyen d'un sénégalais... contre moins de 5 % du salaire minimum d'un français abonné à CanalSat.
Sur son blog, le sénégalais Ousmane Diop raconte que "le trafic a débuté vers les années 1999-2000". "Ceux qui ont été les premiers à s’aventurer dans ce domaine avaient acheté des décodeurs de Canal sur lesquels ils arrivaient à brancher plusieurs maisons qui payaient 5000 francs Cfa (7 euros) à la fin du mois". Depuis le prix a baissé autour de 2.000 francs CFA, sous le poids de la concurrence entre les installateurs clandestins. "A Guédiawaye, une localité située dans la banlieue dakaroise, on compte beaucoup de personnes dont l’activité principale consiste à relier des fils de maisons en maisons à longueur de journée", écrit Diop. "Les habitants du quartier ont, pour la majorité des revenus très modestes qui ne leur permettent pas de pouvoir se payer le luxe d'un abonnement à CanalSat. Raison pour laquelle ils préfèrent s'abonner clandestinement sur le réseau de quelqu'un qui pourra aussi être tolérant si à la fin du mois ils n'ont pas encore l'argent pour payer". Tolérance que n'autorisent pas les ordinateurs du service comptable de Canal+.
Les droits de rediffusion pour contrer la concurrence légale
Libération ne s'interroge pas, non plus, sur les raisons qui poussent des Africains à s'abonner au bouquet français plutôt qu'à leur opérateur local légal, dont les prix sont pourtant moins chers. Pour éliminer la concurrence, Canal+ joue de son portefeuille pour s'assurer l'exclusivité des droits de diffusion sur des films très populaires et des évènements sportifs importants. Sans la retransmission de ces contenus, les abonnements des opérateurs locaux perdent une grande part de leur intérêt.
Certains opérateurs tentent parfois de passer outre, en violant les accords d'exclusivité sans payer de droits. "Pour l’Euro 2008, le préjudice est estimé à plus de 700 000 euros", assure à Libération la chaîne cryptée, qui a porté plainte avec succès contre des opérateurs concurrents (industriels, ceux là) qui avaient ainsi diffusé illégalement des matchs de la compétition sur leur réseau. Pour cet évènement majeur, Canal+ avait raflé les droits d'exclusivité francophone pour l'Afrique à un prix hors d'atteinte pour ses concurrents locaux. Les chaînes hertziennes ont tout juste obtenu après d'âpres négociations le droit de diffuser 8 matchs sur 32 en hertzien, pour 300.000 euros. Une somme considérable que la chaîne publique sénégalaise a pu débourser grâce à une rallonge budgétaire de l'Etat, mais que d'autres pays africains, privés d'Euro, n'ont pas pu sortir. Même stratégie pour la Coupe d'Afrique des Nations (CAN), l'immense évènement footboolistique du continent, retransmis exclusivement sur le bouquet crypté de Canal Horizons.
"Avec la nouvelle baisse du pouvoir d’achat des sénégalais, les fraudeurs semblent avoir encore de beaux jours devant eux si les câblodistributeurs n’adaptent pas leur politique tarifaire à la bourse de la majorité", concluait Ousmane Diop.
Mais Canal+, non content de tuer dans l'oeuf la concurrence, préfère mettre la charue avant les boeufs. Interrogé par un quotidien local sur la baisse trop lente des tarifs, le directeur de Canal Horizon-Sénégal Oleg Baccovich affirme que "c’est au fur et à mesure que le nombre d’abonnés augmente que l’on peut envisager des baisses de prix".
Et s'il n'augmente pas de lui-même, dépêchons notre milice.
Libération oublie juste un tout petit détail de rien du tout dans son récit : le prix des abonnements pratiqués par Canal+ au Sénégal via sa filiale Canal Horizons. Il faut compter 19.000 Francs CFA (19 euros) pour un abonnement de base, dans un pays où le salaire moyen est de... 40.000 Francs CFA (61 euros). Dit autrement, s'abonner à Canal Horizons coûte environ 30 % du salaire moyen d'un sénégalais... contre moins de 5 % du salaire minimum d'un français abonné à CanalSat.
Sur son blog, le sénégalais Ousmane Diop raconte que "le trafic a débuté vers les années 1999-2000". "Ceux qui ont été les premiers à s’aventurer dans ce domaine avaient acheté des décodeurs de Canal sur lesquels ils arrivaient à brancher plusieurs maisons qui payaient 5000 francs Cfa (7 euros) à la fin du mois". Depuis le prix a baissé autour de 2.000 francs CFA, sous le poids de la concurrence entre les installateurs clandestins. "A Guédiawaye, une localité située dans la banlieue dakaroise, on compte beaucoup de personnes dont l’activité principale consiste à relier des fils de maisons en maisons à longueur de journée", écrit Diop. "Les habitants du quartier ont, pour la majorité des revenus très modestes qui ne leur permettent pas de pouvoir se payer le luxe d'un abonnement à CanalSat. Raison pour laquelle ils préfèrent s'abonner clandestinement sur le réseau de quelqu'un qui pourra aussi être tolérant si à la fin du mois ils n'ont pas encore l'argent pour payer". Tolérance que n'autorisent pas les ordinateurs du service comptable de Canal+.
Les droits de rediffusion pour contrer la concurrence légale
Libération ne s'interroge pas, non plus, sur les raisons qui poussent des Africains à s'abonner au bouquet français plutôt qu'à leur opérateur local légal, dont les prix sont pourtant moins chers. Pour éliminer la concurrence, Canal+ joue de son portefeuille pour s'assurer l'exclusivité des droits de diffusion sur des films très populaires et des évènements sportifs importants. Sans la retransmission de ces contenus, les abonnements des opérateurs locaux perdent une grande part de leur intérêt.
Certains opérateurs tentent parfois de passer outre, en violant les accords d'exclusivité sans payer de droits. "Pour l’Euro 2008, le préjudice est estimé à plus de 700 000 euros", assure à Libération la chaîne cryptée, qui a porté plainte avec succès contre des opérateurs concurrents (industriels, ceux là) qui avaient ainsi diffusé illégalement des matchs de la compétition sur leur réseau. Pour cet évènement majeur, Canal+ avait raflé les droits d'exclusivité francophone pour l'Afrique à un prix hors d'atteinte pour ses concurrents locaux. Les chaînes hertziennes ont tout juste obtenu après d'âpres négociations le droit de diffuser 8 matchs sur 32 en hertzien, pour 300.000 euros. Une somme considérable que la chaîne publique sénégalaise a pu débourser grâce à une rallonge budgétaire de l'Etat, mais que d'autres pays africains, privés d'Euro, n'ont pas pu sortir. Même stratégie pour la Coupe d'Afrique des Nations (CAN), l'immense évènement footboolistique du continent, retransmis exclusivement sur le bouquet crypté de Canal Horizons.
"Avec la nouvelle baisse du pouvoir d’achat des sénégalais, les fraudeurs semblent avoir encore de beaux jours devant eux si les câblodistributeurs n’adaptent pas leur politique tarifaire à la bourse de la majorité", concluait Ousmane Diop.
Mais Canal+, non content de tuer dans l'oeuf la concurrence, préfère mettre la charue avant les boeufs. Interrogé par un quotidien local sur la baisse trop lente des tarifs, le directeur de Canal Horizon-Sénégal Oleg Baccovich affirme que "c’est au fur et à mesure que le nombre d’abonnés augmente que l’on peut envisager des baisses de prix".
Et s'il n'augmente pas de lui-même, dépêchons notre milice.