Puisque nos amis de l’Opposition ne veulent pas laisser au Conseil constitutionnel le soin de trancher la recevabilité des candidatures à la présidentielle de 2012 y compris celle du Président Wade, l’on est obligé de poursuivre ce débat jusqu’à ce que, - le moment venu- , le Conseil le vide.
Le président Senghor avait l’habitude de dire qu’un problème bien posé est à moitié résolu. Je n’ai pas cherché à savoir s’il était l’auteur de cette formule, mais je l’ai trouvée pertinente et c’est l’essentiel. L’un des problèmes majeurs au Sénégal, c’est une certaine absence (déficience ou défaillance ) de mémoire. La civilisation de l’oralité qui a prévalu dans notre espace pendant très longtemps est probablement pour beaucoup dans ce phénomène. La lutte pour asseoir une éthique dans notre société d’aujourd’hui est lourdement handicapée par notre capacité extraordinaire à oublier ce qui s’est passé juste le jour d’avant. Le résultat de cette forme de conscience est catastrophique pour le développement du pays et pour son équilibre général. Combien de fois entend – t – on dans la journée le propos suivant : « Ici vous pouvez faire ce que vous vous voulez (entendez toutes choses horribles), demain les gens oublieront ». ( Le culte de l’amnésie ou la vertu rédemptrice du temps).
Les apprentis pyromanes qui se proposent d’écarter tous les mécanismes de régulation de notre société pour atteindre leur objectif qui est d’éliminer, par la force, Wade des prochaines joutes électorales devraient, à mon sens, se souvenir des causes de ce mauvais débat sur la candidature. Mon propos est de le leur rappeler afin que les responsabilités soient courageusement et honnêtement situées.
Les origines de la limitation des mandats du Président de la République.
Le 28 février 1988 on vote pour élire le Président de la République et le soir du scrutin Wade est arrêté et envoyé en prison pendant de longs mois. Le peuple descend dans la rue et exige sa libération et celle de ses codétenus. Cela a duré de février à mai 1988. Des pays étrangers amis du Sénégal ont pensé pouvoir nous aider pour que plus jamais pareilles choses ne se passent dans notre pays. Le National Democratic Institute (NDI) américain y avait joué un rôle très important dont les représentants ont fait plusieurs navettes entre les Etats-Unis et le Sénégal pour rencontrer les partis politiques sénégalais et formuler des propositions susceptibles de doter notre pays d’un code électoral et d’un système électoral relativement fiables. Cela aboutit à la convocation d'une commission nationale de réforme du code électoral. Au bout de longues semaines de débats modérés de main de maître par feu le juge Kéba Mbaye, Pouvoir et Opposition se mirent d’accord sur un code électoral consensuel. C’est au cours de cette discussion que, pour la première fois dans l'histoire post coloniale du Sénégal, si ma mémoire est bonne, le nombre de mandats du Président de la République est limité à deux. Le Président DIOUF au pouvoir à l'époque, avait eu cette formule à l’endroit du code consensuel. « Je n’y changerai pas une virgule ». Et il tint parole. Il est vrai qu’en contre partie de cette limitation des mandats, la délégation du PS aux négociations sur le code électoral avait obtenu l’allongement de la durée du mandat qui passait ainsi de cinq (5) à sept (7) ans renouvelable une fois. Mais, fait crucial, le Président Diouf qui avait été élu en 1983 et en 1988 avait tenu à préciser ce qui suit : "Attention. Moi je suis élu depuis 1988 pour un deuxième mandat, mais cette limitation ne peut concerner le présent mandat car la loi ne peut être rétroactive". Et tout le monde en était d'accord.
En 1993 donc, DIOUF se présente et est réélu pour la troisième fois. (83-88-93). Mais, ce troisième mandat de 1993 est, de fait, le premier mandat sous la constitution modifiée pour limiter les mandats. Il avait donc le droit de se présenter pour un deuxième mandat en 2000 et c’est ce qu’il fit. Toutefois, en 1998 déjà, se passa un événement d’une importance capitale pour nos débats d’aujourd’hui. En effet, certains milieux au Parti Socialiste ont convaincu leurs hauts responsables de la nécessité de faire sauter le verrou des deux mandats avant la présidentielle de 2000. Voici leur raisonnement : « Si la limitation des mandats n’est pas supprimée avant le scrutin de 2000, le Président ne pourra plus se présenter en 2007 parce qu’il aura épuisé ses cartouches. Il faut donc éliminer le verrou de sorte que le Président Diouf, réélu en 2000, puisse de nouveau se présenter en 2007 sans aucun risque juridique ». C’est sur cette base que le Ps décida de faire sauter la limitation des mandats du Président de la république en faisant voter une loi par l'assemblée. La 19ème Révision Constitutionnelle - Loi n° 98-43 du 10 octobre 1998 portant révision des articles 21 et 28 de la Constitution est donc votée entraînant la suppression de la phrase : « Il n’est rééligible qu’une seule fois » contenue dans l’article 21 de la 13ème Révision Constitutionnelle – Loi n° 91-46 du 6 octobre 1991 ». Tels sont les faits irréfutables !
En opérant ainsi, le Parti Socialiste ou plutôt les auteurs de ce complot contre notre démocratie – car, à mon sens, la majorité des militants et responsables du PS ne pouvaient partager ce coup de Jarnac – pensaient que leur candidat allait être réélu en 2000 et ils voulaient sécuriser sa réélection pour 2007. Autrement dit, ils préparaient leur leader à diriger le pays au moins jusqu'en 2014, c'est à dire pendant 34 ans. Voilà quelque chose d'essentiel que l'on a tendance à oublier aujourd'hui. Malheureusement pour le Ps, le 19 mars 2000, son candidat perd les élections et Wade est élu dans le cadre d'une constitution qui ne limite plus les mandats.
Une fois élu, Wade propose une constitution qui limite de nouveau les mandats successifs d'un Président de la république à deux (selon un engagement électoral qu'il avait pris). Et, comme le Président DIOUF l’avait rappelé fort justement en 1992, lors de la limitation des mandats, il était entendu par tous que ce mandat de 2000 obtenu par Wade avant la réforme de limitation n'était pas concerné. La preuve, personne n'a jamais soulevé cette question car elle n'en était pas une. Même quand Wade a dit, depuis les Etats-Unis, " je suis candidat pour 2012", il a fallu attendre une année entière avant d’entendre soulever des objections. Parce que dans la constitution qui limite les mandats, Wade n'a encore été élu qu'une seule fois en 2007.
C’est cela la vérité. Il s’y ajoute qu’il y a une juridiction, le conseil constitutionnel qui doit départager. Pour la paix du pays, laissons-la départager. Vouloir se substituer au conseil pour dire lequel des citoyens peut ou ne peut pas être candidat, c'est ouvrir le Sénégal à l'ère du non droit. Je reprends ici les propos convaincants d’un internaute avisé qui dit ceci : « En 1993, quand Kéba Mbaye avait validé la candidature d’Abdou Diouf, il n’y avait aucune manifestation. Mais aujourd’hui certains citoyens sénégalais ne se limitent plus à prédire mais se permettent même de préconiser le chaos, si le Président du Conseil constitutionnel, Monsieur Cheikh Tidiane Diakhaté arrive à valider la candidature d’Abdoulaye Wade. Deux questions méritent d'être posées :
- Le droit à l'expression et à la manifestation collective, et la liberté de presse sont-ils plus manifestes sous Wade que sous Diouf ?
- L’Opposition de 1993 est-elle plus républicaine que l’Opposition de 2011?
Mamadou Diop "Decroix"
Secrétaire Général d'AJ/Pads
Le président Senghor avait l’habitude de dire qu’un problème bien posé est à moitié résolu. Je n’ai pas cherché à savoir s’il était l’auteur de cette formule, mais je l’ai trouvée pertinente et c’est l’essentiel. L’un des problèmes majeurs au Sénégal, c’est une certaine absence (déficience ou défaillance ) de mémoire. La civilisation de l’oralité qui a prévalu dans notre espace pendant très longtemps est probablement pour beaucoup dans ce phénomène. La lutte pour asseoir une éthique dans notre société d’aujourd’hui est lourdement handicapée par notre capacité extraordinaire à oublier ce qui s’est passé juste le jour d’avant. Le résultat de cette forme de conscience est catastrophique pour le développement du pays et pour son équilibre général. Combien de fois entend – t – on dans la journée le propos suivant : « Ici vous pouvez faire ce que vous vous voulez (entendez toutes choses horribles), demain les gens oublieront ». ( Le culte de l’amnésie ou la vertu rédemptrice du temps).
Les apprentis pyromanes qui se proposent d’écarter tous les mécanismes de régulation de notre société pour atteindre leur objectif qui est d’éliminer, par la force, Wade des prochaines joutes électorales devraient, à mon sens, se souvenir des causes de ce mauvais débat sur la candidature. Mon propos est de le leur rappeler afin que les responsabilités soient courageusement et honnêtement situées.
Les origines de la limitation des mandats du Président de la République.
Le 28 février 1988 on vote pour élire le Président de la République et le soir du scrutin Wade est arrêté et envoyé en prison pendant de longs mois. Le peuple descend dans la rue et exige sa libération et celle de ses codétenus. Cela a duré de février à mai 1988. Des pays étrangers amis du Sénégal ont pensé pouvoir nous aider pour que plus jamais pareilles choses ne se passent dans notre pays. Le National Democratic Institute (NDI) américain y avait joué un rôle très important dont les représentants ont fait plusieurs navettes entre les Etats-Unis et le Sénégal pour rencontrer les partis politiques sénégalais et formuler des propositions susceptibles de doter notre pays d’un code électoral et d’un système électoral relativement fiables. Cela aboutit à la convocation d'une commission nationale de réforme du code électoral. Au bout de longues semaines de débats modérés de main de maître par feu le juge Kéba Mbaye, Pouvoir et Opposition se mirent d’accord sur un code électoral consensuel. C’est au cours de cette discussion que, pour la première fois dans l'histoire post coloniale du Sénégal, si ma mémoire est bonne, le nombre de mandats du Président de la République est limité à deux. Le Président DIOUF au pouvoir à l'époque, avait eu cette formule à l’endroit du code consensuel. « Je n’y changerai pas une virgule ». Et il tint parole. Il est vrai qu’en contre partie de cette limitation des mandats, la délégation du PS aux négociations sur le code électoral avait obtenu l’allongement de la durée du mandat qui passait ainsi de cinq (5) à sept (7) ans renouvelable une fois. Mais, fait crucial, le Président Diouf qui avait été élu en 1983 et en 1988 avait tenu à préciser ce qui suit : "Attention. Moi je suis élu depuis 1988 pour un deuxième mandat, mais cette limitation ne peut concerner le présent mandat car la loi ne peut être rétroactive". Et tout le monde en était d'accord.
En 1993 donc, DIOUF se présente et est réélu pour la troisième fois. (83-88-93). Mais, ce troisième mandat de 1993 est, de fait, le premier mandat sous la constitution modifiée pour limiter les mandats. Il avait donc le droit de se présenter pour un deuxième mandat en 2000 et c’est ce qu’il fit. Toutefois, en 1998 déjà, se passa un événement d’une importance capitale pour nos débats d’aujourd’hui. En effet, certains milieux au Parti Socialiste ont convaincu leurs hauts responsables de la nécessité de faire sauter le verrou des deux mandats avant la présidentielle de 2000. Voici leur raisonnement : « Si la limitation des mandats n’est pas supprimée avant le scrutin de 2000, le Président ne pourra plus se présenter en 2007 parce qu’il aura épuisé ses cartouches. Il faut donc éliminer le verrou de sorte que le Président Diouf, réélu en 2000, puisse de nouveau se présenter en 2007 sans aucun risque juridique ». C’est sur cette base que le Ps décida de faire sauter la limitation des mandats du Président de la république en faisant voter une loi par l'assemblée. La 19ème Révision Constitutionnelle - Loi n° 98-43 du 10 octobre 1998 portant révision des articles 21 et 28 de la Constitution est donc votée entraînant la suppression de la phrase : « Il n’est rééligible qu’une seule fois » contenue dans l’article 21 de la 13ème Révision Constitutionnelle – Loi n° 91-46 du 6 octobre 1991 ». Tels sont les faits irréfutables !
En opérant ainsi, le Parti Socialiste ou plutôt les auteurs de ce complot contre notre démocratie – car, à mon sens, la majorité des militants et responsables du PS ne pouvaient partager ce coup de Jarnac – pensaient que leur candidat allait être réélu en 2000 et ils voulaient sécuriser sa réélection pour 2007. Autrement dit, ils préparaient leur leader à diriger le pays au moins jusqu'en 2014, c'est à dire pendant 34 ans. Voilà quelque chose d'essentiel que l'on a tendance à oublier aujourd'hui. Malheureusement pour le Ps, le 19 mars 2000, son candidat perd les élections et Wade est élu dans le cadre d'une constitution qui ne limite plus les mandats.
Une fois élu, Wade propose une constitution qui limite de nouveau les mandats successifs d'un Président de la république à deux (selon un engagement électoral qu'il avait pris). Et, comme le Président DIOUF l’avait rappelé fort justement en 1992, lors de la limitation des mandats, il était entendu par tous que ce mandat de 2000 obtenu par Wade avant la réforme de limitation n'était pas concerné. La preuve, personne n'a jamais soulevé cette question car elle n'en était pas une. Même quand Wade a dit, depuis les Etats-Unis, " je suis candidat pour 2012", il a fallu attendre une année entière avant d’entendre soulever des objections. Parce que dans la constitution qui limite les mandats, Wade n'a encore été élu qu'une seule fois en 2007.
C’est cela la vérité. Il s’y ajoute qu’il y a une juridiction, le conseil constitutionnel qui doit départager. Pour la paix du pays, laissons-la départager. Vouloir se substituer au conseil pour dire lequel des citoyens peut ou ne peut pas être candidat, c'est ouvrir le Sénégal à l'ère du non droit. Je reprends ici les propos convaincants d’un internaute avisé qui dit ceci : « En 1993, quand Kéba Mbaye avait validé la candidature d’Abdou Diouf, il n’y avait aucune manifestation. Mais aujourd’hui certains citoyens sénégalais ne se limitent plus à prédire mais se permettent même de préconiser le chaos, si le Président du Conseil constitutionnel, Monsieur Cheikh Tidiane Diakhaté arrive à valider la candidature d’Abdoulaye Wade. Deux questions méritent d'être posées :
- Le droit à l'expression et à la manifestation collective, et la liberté de presse sont-ils plus manifestes sous Wade que sous Diouf ?
- L’Opposition de 1993 est-elle plus républicaine que l’Opposition de 2011?
Mamadou Diop "Decroix"
Secrétaire Général d'AJ/Pads